La Pologne MAGA?
La Pologne a élu un nouveau Président dimanche 1er juin,
et il s’agit de Karol Nawrocki, un candidat souverainiste et conservateur soutenu par le parti droit et justice de Jaroslaw Kaczynski
on commente ce matin cette victoire comme une victoire des MAGA trumpistes, des eurosceptiques, voire de l’ingérence russe
mais ces considérations géopolitiques ne s’applique pas aussi bien ici que sur d’autres cas
dans cette élection très spécifique, l’enjeu principal étant le rétablissement de l’état de droit.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette petite vidéo où l’on parle des difficultés de se défaire d’une démocratie illibérale à la Viktor Orban
et si cette élection a des implications géopolitiques, c’est surtout sur le traitement de relations avec l’Ukraine et les Ukrainiens.
L’élection d’hier était intéressante à plusieurs niveaux
d’abord la participation, à près de 71,6%, ce qui a battu le record d’une élection de 1995 quand la participation s’était élevée à 68%
plus de 20 millions d’électeurs se sont déplacés aux urnes
et dix millions ont apporté leurs voix à Karol Nawrocki et dix millions à son adversaire Rafal Trzaskowski
le premier est un conservateur assumé, qui a fait campagne sur un catholicisme nationaliste, un interventionnisme de l’état dans l’économie, la criminalisation de l’avortement
il s’est présenté comme indépendant mais il a bénéficié du soutien du parti droit et justice, le PiS, qui a gouverné le pays entre 2015 et 2023 et mis la justice au pas.
alors que le second est maire de Varsovie, il avait d’ailleurs reçu le soutien de Dan Nicusor le maire de Bucarest qui lui a été élu président de Roumanie
et il avait fait campagne sur la libéralisation de l’économie, la décentralisation territoriale, la re-légalisation de l’avortement.
La différence est très tenue, j’ai dit que chacun des deux a reçu 10 millions de voix, la différence est de moins de 400.000 suffrages
Karol Nawrocki a bénéficié d’un report de voix de candidats encore plus nationalistes, notamment Slawomir Mentzen et Grzegorz Braun, le dernier étant ouvertement antisémite
cette élection a par ailleurs montré un taux de raidcalisation de la jeunesse qui peut être préoccupant à l’avenir.
alors, en partant du principe que l’élection est validée, je ne pense pas qu’il va y avoir une contestation mais on ne sait jamais,
quelles en sont les implications? le président a un rôle très honorifique en Pologne comme dans la plupart des pays européens
et donc oui, il a bénéficié du soutien de Donald Trump qui l’a reçu dans le Bureau ovale en tant que simple candidat
mais il ne va pas pouvoir mettre en place un quelconque programme MAGA directement
le président est le chef des armées, mais ça ne va pas forcément induire un changement dans la politique du pays
en termes géopolitiques, il n’y a rien de pro-russe dans Karol Nawrocki, mais ça c’est largement partagé dans le spectre politique, c’est lié à l’histoire et à la position très particulière de la Pologne
Et il faut se rappeler qu’en 2022, c’est un gouvernement PiS qui a soutenu mordicus l’Ukraine envahie et qui a fait de la Pologne la plateforme de l’approvisionnement humanitaire et militaire vers l’Ukraine.
Ces derniers mois, on a vu se cristalliser un sentiment anti-ukrainien très profond, basé à la fois sur l’histoire, l’économie, le commerce et plus globalement la présence prolongée de millions d’Ukrainiens en Pologne
Karol Nawrocki a surfé sur cette vague, critiquant Volodymyr Zelensky comme l’aurait fait un Donald Trump
alors en tant que Président, il va sans doute continuer à alimenter ces ressentiments
Mais c’est plus du rôle d’influence politique.
sinon, il peut dissoudre les deux chambres du Parlement dans des conditions assez strictes, ce qu’il peut utiliser pour favoriser le parti droit et justice
et enfin, il a le droit de veto sur les projets de loi. c’est ça la clé, l’enjeu principal de cette élection
entre 2015 et 2023, le gouvernement du PiS piloté par Jaroslaw Kaczynski avait détricoté l’état de droit, mis fin à l’indépendance de la justice et des médias,
dans la droite ligne de la Hongrie de Viktor Orban, un modèle qui est aussi suivi par Robert Fico en Slovaquie, en Italie par Giorgia Meloni et aux Etats-Unis par Donald Trump
quand il était revenu au pouvoir en 2023, Donald Tusk, personnalité libérale très européenne, avait pour mission de rétablir l’état de droit, l’indépendance de la justice, etc.
Mais il s’est heurté à de nombreuses occasions au veto présidentiel d’Andrzej Duda, issu du PiS
L’enjeu de l’élection d’hier, c’était d’installer à la présidence un allié qui n’allait plus bloquer les projets de loi sur la cour constitutionnelle, le haut conseil de justice, le statut de juges nommés sur motifs politiques,
sans oublier la question de la re-légalisation de l’avortement, qui est essentielle dans le débat en Pologne.
Le pays se retrouve donc au milieu du gué, avec un gouvernement incapable de tenir ses promesses de restauration de l’état de droit
et fragilisé avant les prochaines élections législatives, qu’elles soient anticipées ou en 2027 comme prévu
Voilà je m’arrête là