Pax Trumpiana entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

On arriverait à la fin de plus de trois décennies d’état de guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan,

avec des phases de conflit très intenses comme en 2020 et 2023 autour de la région du Haut Karabakh,

et un risque de reprise des hostilités permanent.

le 8 août à la Maison blanche, Donald Trump a joué l’intermédiaire dans la signature d’une feuille de route pour la paix entre les deux pays,

évidemment, il s’en est attribué tout le mérite, et évidemment ça passe au second plan face à l’annonce du sommet Trump-Poutine en Alaska,

mais c’est historique, alors parlons-en.

Bonjour à tous, c’est Sébastien, très heureux de vous retrouver pour cette nouvelle vidéo où l’on concrétise les perspectives que j’avais mis en avant dans une précédente vidéo

il y a quelques jours, Youtube m’a fêté ma première année d’activité, j’avais commencé le 6 août 2024

à cause des déplacements de l’été et d’un Internet pas du tout satisfaisant là où j’étais, je n’ai pas enregistré de vidéos pour marquer le coup

et c’est précisément le moment où l’actualité s’est de nouveau emballée, sur le plan diplomatique j’entends.

Dans cette vidéo je ne vais pas développer trop sur ce sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine,

en gros, c’est de l’habillage diplomatique, les Russes ont très très bien joué je dois l’avouer

Le Kremlin a gardé dans sa manche la perspective d’une rencontre, Donald Trump en salivait depuis son retour à la Maison blanche en janvier,

Vladimir Poutine a attendu le moment opportun pour répondre favorablement à ces appels du pied

et résultat, la deadline du 8 août, le jour que Donald Trump s’était lui-même fixé pour annoncer des droits de douane et des sanctions secondaires et acter sa déception vis-à-vis de la Russie,

on n’en a plus entendu parler. Donald Trump a obtenu quelque chose du Kremlin en menaçant de mettre la pression sur la Russie et ses partenaires

mais il s’est arrêté à mi-chemin. Et s’il se fait amadouer par Vladimir Poutine, comme ça a été le cas pendant leurs rencontres précédentes,

il n’obtiendra rien de plus.

C’est très très habile de la part du Kremlin, ça lui fait gagner du temps, peut-être suffisamment pour encercler Pokrovsk,

mais le sommet en Alaska ne débouchera sans doute sur pas grand chose de structurel,

tout simplement parce que les positions des uns et des autres n’ont pas changé!

les russes veulent toujours tout le gateau, dans le sens où ils veulent anéantir la souveraineté de l’Ukraine indépendante

et les Ukrainiens, de même que les Européens, veulent toujours un semblant de paix juste, durable, avec des garanties de sécurité.

c’est ce qu’il est ressorti encore une fois aujourd’hui de pourparlers informels à Londres.

Donald Trump est très pressé d’en finir, lui il ne s’embarrasse pas de détails,

il est fort possible qu’il obtienne quelque chose de cette rencontre avec Vladimir Poutine, mais sans doute pas un chemin vers une résolution globale de ce conflit.

Et de toutes les manières, à discuter seul avec Vladimir Poutine sans y associer Volodymyr Zelensky, c’est sûr que ça ne peut pas marcher jusqu’au bout.

Bref, évidemment on va suivre ça de très près, surtout que maintenant je suis de retour avec une bonne connexion Internet, donc on se retrouvera très vite pour en parler.

Moi dans cette vidéo je veux marquer le coup de la signature de cette feuille de route pour la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Avant ça, je fais juste une toute petite pause. comme j’ai dit, ma chaîne vient de passer sa première année

et je suis moi très heureux de faire ce que je fais, d’analyser plus ou moins en temps réel cette région de la mer noire qui me fascine depuis plus de dix ans

et la chaîne marche assez bien, je trouve l’exercice vidéo assez chouette après des années à faire quasi)exclusivement de la presse écrite.

vous êtes déjà plus de 9000 à être intéressés par ce que j’ai à dire, et j’ai toujours beaucoup de plaisir à lire vos commentaires même si je manque de temps pour répondre à tous,

Je traite beaucoup d’actualité mais j’aimerais beaucoup travailler sur des sujets de fonds pour vous les proposer, sur l’histoire, la culture, les langues.

Mais pour ça, il faut que je dégage du temps et des moyens en parallèle de toutes mes autres activités

Alors, une fois n’est pas coutume, je voudrais vous solliciter pour soutenir la chaîne, parce que j’ai compris comme beaucoup de jeunes Youtubeurs que le modèle publicitaire ne marche pas

donc si vous aimez ce que je fais et que vous voulez me soutenir et me donner la possibilité de bosser sur des vidéos de fond, avec des animations et autres,

il y a plusieurs moyens, par exemple Tipee ou Buy me a coffee, vous trouvez les liens dans la description de cette vidéo, dans mon profil, vous avez la possibilité de m’envoyer soit un virement unique, soit mensuel,

il y a plein d’options, et j’aimerais bien développer une formule d’abonnement pour avoir accès à du contenu exclusif et plus léché,

mais pour ça il me faut une mise de départ, vous comprenez le principe.

Bon voilà, je m’arrête là, merci par avance de votre soutien et de toutes les manières, n’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous en pensez ou les sujets sur lesquels vous voudriez que je travaille!

Alors, la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Ce qui s’est passé hier est historique, assurément puisque les deux nations sont en état de guerre depuis la fin des années 1980 et le début de massacres ethniques qui ont ensuite débouché sur la guerre du Karabakh.

Même si ce n’était pas la première fois qu’Ilyam Aliyev et Nikol Pachynian se rencontraient pour parler de ce processus

et Donald Trump n’est intervenu qu’à la toute fin, ce n’est pas lui qui a négocié cet accord pied à pied.

Il y a les Européens, il y a Emmanuel Macron, il y a Recep Tayyip Erdogan

et il y a aussi Vladimir Poutine qui se sont impliqués, même si le Kremlin a loupé le coche de cette négociation et a perdu beaucoup de son influence

évidemment sur l’Azerbaïdjan avec lequel il est en brouille

mais aussi sur l’Arménie qu’il a déçu en n’honorant pas les termes de la protection qu’il lui avait promis.

ça c’était le thème de ma dernière vidéo sur le sujet.

Le fait que l’accord a été signé hier à Washington c’est la preuve d’un échec stratégique du Kremlin que j’avais mis en exergue

c’est aussi un échec stratégique des Européens qui ne sont pas du tout reconnus comme parties prenantes du processus

concernant la Turquie, c’est je pense plus subtil, Recep Tayip Erdogan a plutôt fait une concession en ne s’investissant pas physiquement à Washington

pour être sûr que Donald Trump soit flatté, et avalise l’accord.

La flatterie, c’est vraiment la clé avec Donald Trump

et d’ailleurs hier, on a assisté à un florilège ahurissant de la part d’Iliyam Aliyev et Nikol Pachynian pour que Donald Trump soit nominé et recoive le prix Nobel de la paix

ça je ne sais pas ce que vous en pensez mais moi ça m’écoeure qu’on se couche tous devant lui, ça en dit énormément sur nos faiblesses.

Bref.

Signer cet accord à Washington, ça a la dimension symbolique de ne pas le signer ailleurs, comme j’ai dit

c’est aussi une manière de se mettre Donald Trump dans la poche et de s’assurer le soutien politique des Etats-Unis qui restent la première puissance mondiale.

Et en l’occurrence, cela tient à la nature du deal, parce que comme je l’avais expliqué dans ma dernière vidéo, les Etats-Unis vont être directement impliqués dans le processus de paix

à travers la gestion du corridor de Zangezur.

le corridor de zangezur, c’est le sud de l’Arménie qui jouxte l’Iran et qui sépare l’Azerbaïdjan de son exclave du nakitchevan, et plus à l’ouest, de la Turquie.

Le gros risque de reprise des hostilités portait sur ce corridor, dans la perspective d’une annexion pure et simple par l’Azerbaïdjan.

Mais la solution qui a été trouvée, c’est le développement d’un corridor de transit qui va toujours se trouver sur territoire arménien mais qui va être administré de manière autonome

et administré par des sociétés américaines pour une concession de 99 ans.

Pour Erevan et Bakou, c’est un acteur tiers donc cela garantit une certaine neutralité.

A Erevan, Nikol Pachynian peut vendre cela comme une garantie de sécurité et comme une excuse pour une concession qui peut être très impopulaire.

A Bakou, Iliyam Aliyev peut vendre cela comme une opportunité économique et comme un levier supplémentaire pour évincer les intérêts russes de la région.

Pour les Etats-Unis, c’est un monopole économique potentiellement très lucratif et cela rentre dans la logique tout à fait transactionnelle de l’administration Trump.

Cela étant dit, les questions techniques ne sont pas toutes réglées: les droits de douane, les contrôles, la lutte anti-contrebande et anti-trafics, etc?

Qui va gérer tout ça et selon quelles modalités?

Ce qui a été signé, c’est une feuille de route vers la paix, pas un accord technique et détaillé.

le nom précis du texte, c’est un accord en vue d’établir la paix et la normalisation des relations interétatiques,

et les détails pratiques ne sont pas précisés.

Mais en tous les cas, l’engagement américain est acté, et le corridor de Zangezur va même être renommé “la voie Trump pour la paix internationale et la prospérité”

Encore de la flatterie.

En plus de cela, le contrôle du corridor donne aux Etats-Unis un appui régional très avantageux, à la fois dans ses rapports à la Russie mais aussi dans le contexte de sa rivalité avec l’Iran.

désormais il va y avoir des intérêts américains à la frontière nord de l’Iran.

et d’ailleurs, ce n’est pas étonnant, mais Téhéran a exprimé son mécontentement en assurant que ce corridor n’est pas une propriété immobilière à louer, et que les mercenaires américains qui s’y infiltreraient y trouveraient leur mort

bon, c’est de la réthorique classique de la part du régime des mollahs, mais ils sont tellement affaiblis que leur potentiel d’objection est minime à l’heure actuelle.

Grâce à cette garantie américaine, l’Arménie et l’Azerbaïdjan s’engagent à ne plus recourir à la force, à respecter l’intégrité territoriale l’une de l’autre

et à normaliser leurs relations commerciales.

A l’échelle du Caucase du sud, ça peut être une révolution.

Dans un premier temps, cela veut dire que les forces azerbaïdjanaises devraient se retirer des 301 km2 de territoire arménien qu’elles occupent depuis 2023

et les forces arméniennes de 77kms2 de territoire azerbaïdjanais.

ça veut dire aussi que les deux pays devraient ouvrir leurs frontières pour la première fois depuis l’implosion de l’URSS

et si l’Azerbaïdjan ouvre sa frontière avec l’Arménie, alors la Turquie devrait suivre aussi, ce qui serait une tectonique des plaques absolument majeure entre les Turcs et les Arméniens, le traumatisme du génocide de 1915 pesant toujours énormément sur les décideurs politiques.

Avec l’ouverture des frontières, c’est le désenclavement de l’Arménie qui se profile, sur les plans logistiques, commerciaux, énergétiques.

si la population arménienne en perçoit les avantages dans les années qui viennent, alors il y a de fortes chances que l’accord soit accepté et respecté et donc qu’il résiste aux alternances politiques

parce qu’avec cet accord, Nikol Pachynian joue sa survie et son héritage politique. S’il est renversé aux prochaines élections par une opposition qui veut revenir sur cet accord ou repartir sur des relations plus traditionnelles avec la Russie,

alors c’est tout l’accord de paix qui pourrait être remis en cause.

surtout si la Russie réussit à dégager certaines ressources militaires pour reprendre pied en Arménie

parce qu’une des raisons de la perte d’influence de la Russie dans le Caucase du sud, c’est le fait qu’elle a moins de ressources à y allouer.

regardez cette carte, qui montre les escortes russes accompagnant des agriculteurs arméniens vers des zones à risque avant février 2022 et après février 2022,

la réduction des moyens est très nette.

cette carte vient d’une excellente étude de Lesya Vartanyan pour le London school of Economics, je vous mets le lien dans la description de la vidéo

https://blogs.lse.ac.uk/crp/2025/07/30/nagorno-karabakh-and-the-collapse-of-russias-peacekeeping-mission-what-weak-mandates-and-absent-guarantees-can-teach-us/

Il y a encore un point qui a été décidé à Washington, c’est la levée d’un moratoire américain sur tous les programmes d’assistance, notamment dans la défense, à l’Azerbaïdjan

un moratoire qui datait de 1992 et qui était motivé par les violations des droits de l’homme en Azerbaïdjan.

Trente ans plus tard, le régime autoritaire à Bakou n’a pas changé mais les Etats-Unis ont changé, les droits de l’homme ne sont plus importants.

Donc voilà, ce plan de paix, cette feuille de route signée à Washington est historique entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

en échange de la cessation des hostilités et de la normalisation des relations entre Erevan et Bakou,

les Etats-Unis s’investissent pour gérer la pomme de discorde du corridor de Zangezur en Arménie et rétablir leur coopération avec l’Azerbaïdjan.

Les prochaines étapes, ce sont les ratifications de cet accord dans les pays concernés, son acceptation par les populations locales, surtout en Arménie qui est un régime pluriel avec des élections compétitives.

et évidemment la définition des termes techniques de la gestion de la voie Trump

Est-ce qu’une fois que cet accord sera ratifié et appliqué, l’Arménie poursuivra son chemin d’intégration européenne?

est-ce que cela aura un impact sur la Géorgie qui elle fait le chemin arrière?

et d’ailleurs, où sont les Européens dans tout ça? parce qu’ils sont présents à travers une mission d’observation et de contrôle de la frontière

mais encore une fois, ils sont complètement absents de la résolution politique de ce conflit qui, à leurs portes, a duré plus de trois décennies.

on continuera à suivre tout ça, pour l’heure j’attends vos réactions à ma demande de soutien et de commentaires,

merci d’avoir regardé cette vidéo jusqu’au bout

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