La Chine gagnante de la guerre en Ukraine
Donald Trump avait à peine raccroché le téléphone avec Vladimir Poutine, ce 3 juillet, que les sirènes ont retenti à travers toute l’Ukraine.
pendant les sept heures qui ont suivi, 550 drones et missiles balistiques russes se sont abattus sur le pays dans ce qui a été une nouvelle attaque record
Bilan à Kiev, la principale cible de la nuit: au moins un mort, 23 blessés et des dégâts conséquents dans des zones résidentielles.
Dans le même temps, Donald Trump, dont l’administration vient d’interrompre les livraisons d’armes à l’Ukraine et qui n’a quasiment rien fait pour faire pression sur la Russie depuis son retour au pouvoir,
Donald Trump s’estime très déçu de ne pas avoir réalisé de progrès lors de sa sixième conversation téléphonique avec Vladimir Poutine en cinq mois.
il est très facile de souligner les inconsistances et les insuffisances de Donald Trump qui font que, évidemment, il n’arrive à aucun résultat.
Mais en fait c’est très cohérent, Donald Trump aimerait bien effectivement en finir avec cette guerre mais il ne veut rien faire qui puisse contrevenir à sa relation avec Vladimir Poutine,
avec ce qu’il pense être sa relation avec la Russie.
Et ça, fondamentalement, c’est son droit, c’est le virage idéologique de son administration.
Mais c’est une erreur dramatique, dans la mesure où cette guerre, et les avancées russes, servent aussi les intérêts de la Chine, le grand rival des Etats-Unis
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on revient sur les développements des derniers jours à travers une révélation du média Politico,
selon laquelle le ministre des affaires étrangères chinois Wang Yi aurait confié à la haute représentante pour les affaires étrangères de l’uNion européenne Kaja Kallas que la Chine ne peut pas accepter une défaite russe en Ukraine.
D’abord, ce que je veux dire, c’est deux choses sur l’Ukraine même,
d’abord que ce qu’on voit en ce moment, ça veut dire que la situation va se détériorer pour les villes ukrainiennes, immanquablement.
les défenses aériennes sont saturées par l’augmentation constante du nombre de drones et de missiles russes qui témoigne d’une montée en puissance remaquable des capacités de production russes
Sur le seul mois de juin, les Russes ont envoyé 5337 drones sur l’Ukraine, et si ça continue comme ça, juillet établira un nouveau record
et ça, ça s’ajoute à environ 600 kilomètres carré de terrain que les Russes ont conquis sur différents fronts.
et face à cette montée en puissance, l’annonce des derniers jours de la suspension de la livraison d’armes et de munitions américaines, ne va pas aider
L’Ukraine peut compenser quelques-uns des systèmes qui ne seront plus livrés, à la fois par sa production nationale mais aussi par les livraisons de ses autres alliés, notamment américains.
Mais les Patriot pour intercepter les missiles balistiques, c’est quasiment irremplaçable à l’heure actuelle, à la fois en termes de technologies mais aussi de quantité de systèmes similaires, par exemple les batteries SAMP/T et les missiles Aster de fabrication franco-italienne
et donc mathématiquement, la décision de début juillet se fera sentir dans les prochaines semaines.
Il y a 8 batteries Patriot actuellement en Ukraine et le stock de munitions diminue.
La deuxième chose que je voulais dire, c’est que l’Ukraine ne va pas capituler pour autant. Ca, c’est le calcul de la Russie, qu’a exprimé Dmitri Peskov le porte-parole du Kremlin il y a deux jours
mais le fait qu’il n’y ait plus de Patriot ne va avoir quasiment aucune incidence sur le front puisque ce système n’est pas utilisé là-bas.
Donc les opérations militaires ne vont pas être affectées, d’autant plus que les Ukrainiens produisent eux-mêmes 40% des armes qu’ils utilisent, le reste étant apporté par d’autres partenaires comme les Européens.
Donc l’Ukraine peut continuer à obtenir des armes pour combattre.
De même, la détermination des Ukrainiens à lutter contre une invasion existentielle n’est pas entamée
le désengagement américain rend tout beaucoup plus difficile, même si rien n’est définitif,
et que le partage de renseignements continue.
Mais tout est plus difficile, c’est sûr. et l’absence des Patriot va d’abord et avant tout mener à un affaiblissement des DCA ukrainiennes et donc à plus de morts dans les bombardements.
mais pas à une capitulation.
Est-ce que les Ukrainiens ne risquent pas de perdre encore plus en continuant à combattre qu’en capitulant maintenant? Ca c’est une grosse question,
mais en tout cas on peut comprendre leur velléité de continuer pour protéger leur Etat et l’avenir de leurs enfants.
Evidemment qu’ils veulent la paix mais ils savent que la Russie ne la veut pas, elle veut d’abord et avant une russification à outrance de l’Ukraine pour la faire revenir dans le giron de la Russie.
Pourquoi les Etats-Unis ont pris cette décision? On le sentait venir depuis des mois,
cette fois c’est justifié par la baisse des stocks militaires aux Etats-Unis qui auraient été vidés par Joe Biden
Mais ça ce n’est qu’un prétexte, NBC News révèle qu’un inventaire des stocks a montré que ce qui était livré à l’Ukraine n’allait pas complètement vider les entrepôts.
c’est plus profond, c’est en fait la deuxième interruption de livraisons en cinq mois.
ça fait partie du virage idéologique américain, de ce désir d’abandonner l’Ukraine à la Russie pour en finir avec cette guerre et tenter d’aménager une bonne relation avec la Russie.
Alors, ces deux derniers jours, Washington est bien secoué, avec des sénateurs et des représentants à la fois républicains et démocrates qui contestent la décision
un Donald Trump qui ne sait plus où se mettre parce qu’il comprend que refuser à l’Ukraine des armes offensives, c’est une chose, mais lui refuser des armes défensives comme les Patriot c’est autre chose, vu les pertes civiles qui s’accumulent.
Ce 4 juillet, on a l’impression que personne ne voulait endosser la responsabilité et tout reporter sur Pete Hegseth le secrétaire à la défense qui aurait, selon NBC News, prit la décision presque seul.
donc bon, peut-être que cette suspension sera levée, on verra.
Mais il est clair que c’est bien plus profond que ça et que le soutien américain à l’Ukraine va continuer à diminuer.
L’administration trump justifie ça par la redéfinition des intérêts nationaux des Etats-Unis.
Mais si on y regarde de plus près, jeter l’Ukraine avec l’eau du bain va à l’encontre des intérêts américains.
D’abord parce que Donald Trump n’arrête pas de se faire balader et de se faire humilier par Vladimir Poutine
qui lance une attaque majeure juste après une conversation téléphonique de deux heures
d’ailleurs dans le cadre de la discussion, Vladimir Poutine a apparemment bien martelé que la voie diplomatique ne menait à rien donc il allait continuer à poursuivre ses objectifs par la force.
Ca c’est une sorte de revanche du Russe vis-à-vis de l’Américain pour l’Iran.
Au Moyen-orient, Vladimir Poutine s’est fait botter en touche pendant que ses alliés mollahs se faisaient bombarder à tout va.
en Ukraine, il fait comprendre à Donald Trump qu’il est maître des opérations et que les Américains n’ont pas la possibilité de l’en empêcher.
En fait, si, les Etats-Unis pourraient empêcher les Russes d’agir en augmentant les livraisons d’armes et en adoptant de nouvelles sanctions mais ça n’entre pas dans leur logiciel apparemment.
Mais encore une fois, c’est une politique qui nuit à leurs intérêts nationaux car elle favorise la Chine
La Chine qui, à travers la voix de son ministre des affaires étrangères, aurait assuré à Kaja Kallas que Beijing ne peut pas accepter une défaite russe en Ukraine.
Pour l’Ukraine, c’est très préoccupant puisqu’elle doit donc lutter contre la Russie et la Chine en même temps, contre la Corée du nord et l’Iran aussi, et tout ça avec des partenaires américains et européens qui sont loin d’être super déterminés, disons le comme ça.
Selon Politico, la position chinoise est motivée par l’idée que si l’Ukraine gagnait la guerre, la Russie serait hors-jeu et les Etats-Unis reporteraient toute leur attention sur l’Indo-Pacifique.
Le calcul est simple, et il paraît bien plus logique que la théorie du Kissinger inversé, à savoir détacher la Russie de la Chine pour mieux lutter contre Beijing.
Le fait que l’administration Trump ne le voit pas en dit beaucoup sur leur vision du monde, idéologiquement très alignée sur les positions du Kremlin.
Il en va de même pour les sanctions. Ca fait 5 mois que la Maison blanche n’a pas adopté de nouvelles sanctions primaires ou secondaires contre la Russie et ses partenaires
L’administration Biden imposait en moyenne 170 sanctions contre des entités et des individus par mois,
pas du tout l’administration Trump.
et ça nuit forcément à la cohérence des sanctions existantes puisque quand une mesure est adoptée, ça prend un peu de temps pour apprendre à la contourner, mais ça se fait.
donc s’il n’y a pas de nouvelles sanctions pour empêcher les contournements, ça se délite au bout d’un certain temps.
C’est exactement ce qui est en train de se passer et ça profite à l’économie chinoise
suite à l’attaque de la nuit du 4 juin, le ministre des affaires étrangères ukrainien a exhibé une pièce de drone Shahed qui était sortie d’une usine chinoise il y a à peine 2 semaines
ça montre à quel point les cycles de production sont intégrés et ça donne une idée de l’aide que la Chine apporte à la Russie
elle en retire évidemment des bénéfices.
L’ironie de l’histoire quand même, c’est que le consulat chinois à Odessa a été endommagé pendant les récentes attaques, par des drones produits partiellement avec des composantes chinoises.
L’administration Trump n’a pas adopté de nouvelles sanctions et bloque un projet au Congrès pour adopter de nouvelles sanctions,
elle a levé indirectement certaines sanctions contre des entités russes en levant ses sanctions contre la Syrie il y a dix jours.
elle n’a même pas inclus la Russie dans sa guerre tarifaire, parce que, bien juste parce que.
L’administration Trump n’a même plus besoin d’une raison. Mais pourtant, non seulement cette complaisance profite à la Russie, mais elle profite aussi à la Chine,
ce qui est complètement contre-intuitif.
Voilà, expliquer tout cela ne va rien changer puisque Donald Trump vit dans un monde de post-vérité mais ça permet de replacer ces développements en Ukraine dans le grand jeu un peu plus global.
Merci