La Moldavie inquiète de l’élection roumaine
Les conséquences du 1er tour de la présidentielle ont été immédiates et dramatiques en Roumanie. Démission du Premier ministre, faillite de la coalition, démission de Lasconi... Mais en Moldavie, on s'inquiète tout autant. Car la politique à Bucarest impacte directement Chisinau. 91 000 détenteurs de la citoyenneté roumaine se sont rendus aux urnes en Moldavie, pour soutenir le maire de Bucarest Nicosor Dan à 52% (il a eu 21% en Roumanie) et George Simion à 12,5% (41% en Roumanie).
Lire ici le compte-rendu du 1er tour par David Smith sur Moldova Matters: https://www.moldovamatters.md/p/simion-wins-romanias-first-round?utm_source=post-email-title&publication_id=290808&post_id=162873015&utm_campaign=email-post-title&isFreemail=true&r=2c0dmv&triedRedirect=true&utm_medium=email
La Moldavie dépend intimement de la Roumanie, tant géographiquement (sa façade Est est encombrée par la Transnistrie et moins attractive à cause de la guerre russe), économiquement, énergétiquement (crucial pendant la crise énergétique de l'hiver dernier) et politiquement (Bucarest est le porte-parole de Chisinau à Bruxelles et tente d'accélérer le processus d'adhésion à l'UE).
Compte tenu de l'élection probable de Simion au 2nd tour et de la fragilité du système parlementaire roumain, la Moldavie risque de se retrouver avec une Roumanie isolationniste, trumpiste, eurosceptique, qui ne portera plus de la même manière la voix de la Moldavie en Europe. Sachant que Simion est déjà interdit d'entrée en Moldavie à cause de son révisionnisme. (Oui, à propos, Simion a commencé sa carrière comme hooligan).
Ni les électeurs de Moldavie (soutenant Nicosor Dan), ni Maia Sandu et son parti PAS (centre-droit & europhile) ne vont se retrouver avec leur candidat de choix. Ce sont les "souverainistes", notamment les socialistes et consoeurs, qui s'en retrouveraient renforcés. D'une part, la victoire de Simion renforcerait le discours souverainiste et eurosceptique de Dodon (ex-Président), Shor (oligarque en fuite), Cheban (maire de Chisinau) et les autres.
D'autre part, Simion Président réactiverait sans doute la carte "unioniste"en jouant des prétentions roumaines sur la Moldavie et la Bessarabie ukrainienne, sans doute. (Priviet Poutine). Or, le faible soutien des électeurs de Moldavie pour Simion indique que ce projet n'y est pas populaire. Les socialistes & co. s'imposeraient donc comme défenseurs naturels de la souveraineté moldave. La position de la Russie serait ici clé: soutenir un Simion révisionniste eurosceptique et anti-Otan? Ou défendre ses alliés en Moldavie, dans la tradition "moldavisante" soviétique. Comme d'hab: Sans doute un peu des deux.
En bref: Chisinau marche sur des oeufs, et cette élection roumaine va automatiquement avoir un impact sur les législatives du 28 septembre en Moldavie, en fragilisant encore plus le PAS.
A lire aussi sur le sujet, l'excellent Dionis Cenusa: https://ridl.io/romania-s-radical-turn-and-russia-s-influence/