Roumanie: quels enseignements de la saga électorale?
En Roumanie, George Simion a reconnu sa défaite et annulé une manifestation de ses partisans.
il n’y aura donc pas de contestation des résultats du deuxième tour des présidentielles
et c’est le maire de Bucarest, le centriste Dan Nicusor qui est élu Président.
ce qui met fin à cette saga électorale qui a commencé avec la présidentielle annulée de l’automne dernier,
en tout cas ça met fin à cette épisode de la saga si les dirigeants en tirent les leçons.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans une toute petite vidéo. vous avez sans doute déjà du lire et entendre beaucoup d’analyses sur l’élection d’hier
Hier il y avait aussi une présidentielle en Pologne, on aura l’occasion d’y revenir pour le second tour,
Il y a eu aussi Volodymyr Zelensky qui a rencontré le pape lors de son inauguration à Rome,
mais je veux marquer le coup parce qu’il y a plusieurs dimensions à cette élection, qui était hors norme, avec des retournements de situation inattendus.
Hier, Dan Nicusor a obtenu 53,6% des voix et George Simion 46,4%
Alors qu’au premier tour il y a deux semaines, le centriste avait reçu 21% et le nationaliste qui se revendique de MAGA avait obtenu 41%, c’est-à-dire qu’il était prêt d’être élu au premier tour!
Qu’est-ce qu’il s’est passé entre les deux tours?
D’abord, une hausse remarquable de la participation: elle était de 53% au premier tour, elle est montée à 65% au second tour, la plus haute depuis l’an 2000
9,5 millions de personnes se sont déplacées aux urnes au premier tour, 11,5 millions au second tour
Et Dan Nicosur en a profité, ainsi que de reports de voix d’autres candidats: au premier tour il avait reçu 2 millions de voix, au 2nd tour plus de 6 millions
Et George Simion qui avait eu presque 4 millions de votes en a remporté 5,4 millions
Donc en Roumanie comme dans d’autres élections européennes, ce n’est pas vraiment Nicusor qui a été élu, mais plutôt Simion qui a été désavoué dans un énorme plebiscite
avec une réthorique très binaire pour l’Europe ou pour un repli nationaliste et trumpiste.
qui a mobilisé les urbains, l’intelligentsia, les classes moyennes, et une partie des abstentionnistes.
On peut aussi citer le cas des Hongrois de Roumanie qui ont massivement soutenu le centriste alors que Viktor Orban à Budapest avait clairement soutenu George Simion qui, on se rappelle, est lui farouchement anti-Hongrois
donc c’est encore un désaveu marqué pour Viktor Orban qui vient de perdre une réserve de voix avant les élections de 2026.
La diaspora: la participation était aussi en hausse, et là c’est George Simion qui a remporté le plus de voix, vous le voyez en jaune dans les pays européens, là où il y a le plus de Roumains de l’étranger.
c’est intéressant, sociologiquement parlant ça parle d’une émigration qui n’a pas réussi, ou qui est issue de situations très précaires en Roumanie qui ont poussé au départ
le vote pour l’extrême-droite, en Roumanie comme ailleurs, c’est donc aussi un vote contre la politique néo-libérale qui favorise le capital au détriment de la protection sociale et d’une redistribution plus équitable.
ça parle aussi du discrédit des partis de gouvernement qui ont dominé la vie politique roumaine depuis l’exécution du couple Ceaucescu, en gros.
C’est une des dimensions très importantes de cette élection, c’était clairement anti-système
Dan Nicosur est maire de Bucarest depuis 2020 mais c’est un outsider comparé aux libéraux et sociaux démocrates qui se sont partagés le pouvoir pendant des décennies.
D’ailleurs la Roumanie a un président mais elle n’a plus de gouvernement, il faut que le chef de l’Etat renomme un candidat
et qu’il mette en place de sérieuses réformes économiques, sociales et anti-corruption.
Je pense que c’est vraiment ça la leçon de cette saga. On a vraiment envie de présenter cette élection comme une défaite de la Russie, même comme un revers pour la Chine parce que l’essentiel des manipulations pré-électorales en automne dernier c’était sur TikTok
On veut aussi voir ça comme un coup d’arrêt à la vague MAGA, après les élections au Canada et en Allemagne.
C’est aussi une victoire pour l’Otan qui conserve son dispositif de défense du flanc est. En Roumanie il y a des troupes belges, luxembourgeoises et polonaises qui sont déployées dans un format coordonné par la France
mais cette dimension géopolitique n’explique pas tout. En Roumanie comme ailleurs, il ne suffit pas de se dire pro-européen pour avoir un projet valide et constructif. Cette carte ne peut marcher que quelques fois.
et déjà après l’élection, on voit que les manoeuvres de désinformation en ligne continuent, par exemple pour accuser les soldats français d’avoir participé à des fraudes électorales.
C’est ridicule, mais le terreau de la misère, du déclassement social, des inégalités, il est fertile.
Je pense que c’est ça la vraie dimension européenne de ce scrutin, c’est la leçon qu’il doit nous apprendre.
Merci