À Zaporijjia, une trêve inédite pour sauver la centrale

Depuis le 18 octobre, l’Ukraine et la Russie ont conclu une trêve, et une trêve qui tient bon, sans combats ni bombardements

si ça vous étonne et que vous n’en avez pas entendu parler, c’est que ce cessez-le-feu est très localisé et temporaire

il a été conclu le temps que les deux belligérants réparent une ligne à haute tension pour restaurer l’approvisionnement électrique de la centrale nucléaire de Zaporijjia.

C’est un épiphénomène particulièrement intéressant, qui porte en soi autant de positif que de négatif, ou pour ne pas le dire en termes de jugement moral, autant de constructif que de destructif

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo que j’enregistre deux jours après la réception de Volodymyr Zelensky à la Maison blanche

bon, pas forcément besoin de revenir là-dessus, je pense que vous avez vu et entendu toutes les analyses qui s’imposaient

et si vous voulez savoir ce que moi j’en pense, je vous renvoie à ma vidéo qui a fait suite au coup de fil entre Trump et Poutine, rien n’a changé depuis et probablement rien ne changera avant qu’ils se rencontrent à Budapest.

Je commenterai juste sur cette photo, que j’ai posté sur mes réseau X et Bluesky: je n’imagine pas une seule seconde que Donald Trump reçoive Vladimir Poutine à la Maison blanche

et qu’il déploie une cohorte de journalistes dans son dos et dans le dos de son équipe, le long d’une table de salle à manger.

Je pense que ce plan de table, ce dispositif, en dit beaucoup plus long que 1000 conférences de presse sur le traitement de Volodymyr Zelensky et sur la politique de l’administration Trump.

Ce qui fait beaucoup jaser, et j’ai aussi vu ce post que je mets là, avec ce commentaire omaginé de Volodymyr Zelensky: après la guerre, j’ouvre une école de self-control, de maîtrise de soi.

La conclusion principale ici, et qui a été reprise par des dirigeants européens notamment Donald Tusk, c’est qu’il n’y a rien à attendre de l’administration Trump sur ce sujet et que les Européens, Ukrainiens inclus, doivent se prendre en main pour gagner ou perdre cette guerre par eux-mêmes.

là où Donald Trump peut être très décisif sur le proche- et le moyen-orient ou encore dans sa reprise en main du continent sud-américain en vertu de son interprétation de la doctrine Monroe,

il ne fait que brasser du vent sur le dossier de la guerre russe contre l’Ukraine, et ça, depuis janvier déjà.

Sur le terrain, on voit que les Ukrainiens n’attendent plus les Américains pour mener leurs frappes dans la profondeur.

Evidemment ça serait plus facile s’ils bénéficiaient encore du soutien américain, mais même si ce n’est plus qu’une aide conditionnelle, conditionnée et incertaine, les Ukrainiens continuent.

Et c’est ce qui se passe autour de la centrale de Zaporijjia, le sujet dont je voulais vous parler aujourd’hui.

La centrale on le sait est occupée par l’armée russe depuis mars 2022.

Depuis, elle souffre d’énormément de problèmes, ses ingénieurs sont partis, ses installations sont mal entretenues, ses liaisons au réseau électrique ukrainien ont été coupées.

ce qui fait que petit à petit, sous la pression notamment de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, les six réacteurs ont été mis hors tension pour s’affranchir des variations de courant et prévenir des incidents.

Mais les réacteurs hors tension ont quand même besoin d’électricité, pour les systèmes de refroidissement, de ventilation, de prévention et de sûreté.

Ces derniers mois, une seule ligne à haute tension de 750 Kilovolt sur quatre à l’origine reliait la centrale au réseau ukrainien qui lui fournissait cette électricité.

Le 23 septembre, cette ligne a été rompue.

Evidemment, les deux camps s’accusent mutuellement, et évidemment on ne sait pas exactement d’où venait le projectile qui a cassé la ligne.

toujours est-il qu’elle n’a pas été réparée tout de suite et donc l’approvisionnement a été assuré par des générateurs qui tournent au diesel

jusque là, rien de catastrophique, c’est la dixième panne totale à la centrale nucléaire et la 42e panne partielle depuis mars 2022, selon le ministère de l’énergie ukrainien,

et les générateurs marchent bien.

Seulement cette fois, la ligne n’a pas été réparée. Et le 23 septembre, ça commence à dater. Ce qui a suscité l’inquiétude de toutes les parties concernées, les Ukrainiens, l’AIEA et même les Russes

qui ont enfin consenti d’une trêve localisée pour réparer cette ligne, de part et d’autre du fleuve.

Ca a commencé le 18 octobre et ça doit durer une semaine

L’AIEA s’en félicite, en assurant que le cessez-le-feu tient bon.

C’est quand même majeur, parce qu’à part les échanges de prisonniers et de dépouilles de soldats, on n’a aucun exemple de coopération en plus ou moins bonne intelligence entre les Ukrainiens et les Russes depuis 2022.

On a eu des espèces de mascarades de cessez-le-feu que Vladimir Poutine a annoncé plus tôt cette année, un pour Pâques et un pour le 9 mai, mais c’était pour faire plaisir à Donald Trump et ces cessez-le-feu ont été systématiquement violés.

Celui-ci tient et il y a de fortes chances qu’il tienne jusqu’à la fin des réparations tant l’enjeu est grand

Ca, c’est le côté constructif: Kyiv et Moscou ont gardé des canaux de communication qu’ils peuvent réactiver, en l’occurrence par l’intermédiaire de l’AIEA, pour régler des problèmes concrets.

Ensuite le côté plus destructif, c’est que la Russie a attendu 4 semaines pour s’accorder sur un cessez-le-feu. Elle a résisté, résisté, résisté, et finalement elle a cédé.

Ca veut dire que la situation était vraiment mauvaise, et que très probablement, on est encore passés à un cheveu d’une détérioration de la situation, disons-le comme ça.

Evidemment on n’a pas les détails, étant donné que c’est la Russie qui gère la centrale et qui contrôle le flux d’information

mais on peut deviner, en recoupant ces informations, que la situation était mauvaise.

Si la situation est mauvaise à Zaporijjia, elle est mauvaise pour tout le monde, et pas seulement dans la région, je n’ai pas besoin de vous faire un dessin.

Mais en l’occurrence, ça veut aussi dire que la situation n’est pas particulièrement positive pour la Russie même

car le plan, on le connaît, c’est débrancher la centrale du réseau ukrainien pour la connecter au réseau russe.

Et ça, ça fait trois ans que les Russes travaillent dessus.

Si cette fois encore, pour la dixième fois donc, les Russes ont du solliciter un approvisionnement depuis le côté ukrainien, c’est qu’ils ne sont pas prêts de leur côté,

et qu’en trois ans ils n’ont pas réussi à construire de lignes à haute tension.

On n’a pas beaucoup plus de détails sur ce point en particulier, mais ça en dit long sur les défis que rencontrent les Russes dans l’aménagement des territoires occupés et l’approvisionnement en électricité.

entre l’arrêt de Zaporijjia et le manque d’électricité après l’eplosion de la centrale hydraulique de Nova Kakhovka

explosion qui par ailleurs a de nouveau asséché le canal de Crimée-nord qui irriguait la péninsule, causant énormément de problèmes en approvisionnement d’eau.

ça veut aussi dire que les Russes n’ont pas bien travaillé à l’interconnexion de leur réseau avec celui de l’Ukraine occupée

Des villes occupées, sur Telegram, on voit que les situations sont contrastées, ce n’est pas comme s’il y avait des coupures généralisées pendant des semaines.

Mais on sait que des villes comme Donetsk ou Melitopol souffrent beaucoup de coupures de courant et, dans le cas de DOnetsk, de problèmes en approvisionnement en eau potable.

S’ajoutent à ça les pénuries d’essence qui s’étendent désormais toute la Russie et qui sont particulièrement aigües dans les territoires occupés, notamment la Crimée,

et les éventuels problèmes à venir sur le réseau électrique maintenant que l’on voit que les Ukrainiens visent spécifiquement des sous-stations électriques et des transformateurs en plusieurs endroits…

On ne peut qu’imaginer que la situation ne va pas être facile cet hiver.

A travers ce cessez-le-feu, qui est donc une bonne nouvelle pour la sûreté nucléaire de Zaporijjia,

on a donc une indication de la situation énergétique dans les territoires occupés sous administration russe, et elle n’est visiblement pas bonne du tout.

A suivre, en tout cas ça valait vraiment le coup de mettre un peu la lumière sur cet épiphénomène, très localisé et tout à fait temporaire, d’une trêve entre Ukrainiens et Russes qui marche.

Merci

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