27% du PIB ukrainien dans la défense

Dans les pays membres de l’OTAN, on s’écharpe à savoir s’il faut augmenter les dépenses de défense à 3, 4 ou 5% du PIB

En Ukraine, on a déjà dépassé ce débat depuis très longtemps. Le budget 2026 alloue 60% de ses dépenses à la défense, ce qui représente 27,2% du PIB.

C’est absolument colossal, et la structuration de ce budget en dit très long sur l’économie ukrainienne dans le quatrième hiver de l’ invasion russe

Alors parlons-en

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on parle de ce budget qui a été adopté par le Parlement le 3 décembre, donc mercredi

Il a été adopté tard, et dans un contexte de crise politique assez critique, après la démission du chef de cabinet de Volodymyr Zelensky Andriy Yermak

et dans un contexte très incertain, à la fois militaire, diplomatique et financier.

Mais il fallait qu’il soit adopté, d’une part parce que c’est une des fonctions régaliennes qui conditionne l’existence de l’Etat,

mais aussi parce que c’était une des conditions sine qua none pour que l’Ukraine reçoive du financement de ses partenaires étrangers,

notamment un programme d’assistance de 8 milliards de dollars du FMI sur 4 ans,

l’assistance de l’Union européenne et d’ailleurs,

il fallait juste une base budgétaire sur laquelle s’adpateront tous les autres programmes.

Même si ce budget n’est sans doute que provisionnel pour beaucoup de raisons, ça je vais y revenir.

Alors, ce budget prévoit que les recettes vont s’élever à environ 60 milliards d’euros

je vous épargne les chiffres astronomiques en monnaie locale, la hryvnia, ça se chiffre en billions…

les dépenses vont s’élever à 99 milliards d’euros

on voit qu’on reste sur une économie très petite, hein, le niveau de dépenses budgétaires en France s’élève à plus de 1500 milliards d’euros et pour comparer avec un pays proche de l’Ukraine,

le budget polonais 2025 prévoyait 217 milliards d’euros de dépenses, donc on est vraiment sur une économie petite.

on est donc à un niveau de dépenses 40% supérieur à celui des recettes, mais le budget prévoit un déficit de 18,5% en y incluant les promesses d’aide venues de l’étranger.

Avant de parler de cela, qu’est-ce que nous dit ce budget?

D’abord que l’Etat ukrainien conserve la capacité de lever l’impôt, et que l’assiette fiscale sur laquelle les dirigeants politiques se basent est stable.

et ça, c’est remarquable au quatrième hiver de l’invasion.

On sait qu’une partie non-négligeable de l’économie ukrainienne est informelle, au black, entre 20 et 30%, mais l’économie légale continue de tourner.

Les droits de douane, l’impôt sur le revenu ou encore une campagne assez fructueuse de privatisations menées avec une transparence remarquable

ont contribué à une augmentation de plus de 15% des recettes d’une année sur l’autre, même si c’est à prendre avec prudence parce que c’est une prévision.

Ca c’est le premier point, l’Ukraine a la possibilité de compter sur ses propres ressources, même si ça ne suffit pas à couvrir tous ses besoins.

Et ses besoins, c’est principalement la défense, c’est mon second point. Donc je l’ai dit, c’est 27,2% du PIB

et ça va absorber 100% des recettes de l’Etat ukrainien, donc les 60 milliards d’euros vont partir dans tous les aspects de la défense

les salaires et l’entretien des soldats, la production ou l’achat d’armes, la recherche et développement, la maintenance, la logistique, la formation des nouvelles recrues…

Encore une fois, à l’échelle de l’Ukraine, c’est un effort colossal à fournir pour la quatrième année consécutive.

C’est compensé par l’aide extérieure, donc l’aide européenne, canadienne, australienne et autres depuis que les Etats-Unis ne donnent plus rien mais vendent plutôt.

Mais comme on l’a vu depuis 2022, ce n’est pas suffisant pour inverser le rapport de force contre la Russie

dans son budget 2026, la Fédération de Russie prévoit de consacrer plus de 210 milliards d’euros à la défense, donc bien plus que les 60 milliards ukrainiens + les apports étrangers.

Comme on le voit, les parties ukrainiennes et américaines continuent de négocier certains points d’un plan de résolution politique du conflit, on voit des pourparlers qui se tiennent à Miami, d’autres à Abu Dhabi…

Mais la machine d’Etat ukrainienne reste dans le schéma de pensée d’une guerre de longue durée,

qui conditionne tout le reste des dépenses budgétaires et de l’économie.

6% des dépenses sont allouées à l’éducation

Encore 6% à la santé, et tout le reste va à différents programmes de soutien social et aux dépenses de fonctionnement.

Les salaires du personnel de l’éducation et de la santé sont augmentés, mais pas ceux de l’armée,

ça a d’ailleurs provoqué un tollé dans l’hémicycle, les oppositions exigeant des hausses de salaires pour le personnel militaire,

mais ça n’est pas passé à la fin. C’était d’abord et avant tout un show politique des oppositions qui cherchent à capitaliser sur la crise actuelle et à se positionner en vue d’hypothétiques élections.

C’est d’ailleurs intéressant à noter, le projet de loi sur le budget est entré dans l’histoire de l’Ukraine comme celui qui a reçu le plus grand nombre d’amendements: 3339 propositions d’amendements,

donc ça montre bien à quel point ce dossier a été central dans les affrontements politiques.

On voit que le gouvernement ukrainien fait tout son possible pour maintenir le navire à flot, dans une tempête redoutable,

même si évidemment les critiques sont faciles, par exemple sur un programme national qui redistribue une partie des sommes dépensées dans la consommation de produits ukrainiens, on appelle ça le cashback national

il y a un autre programme de soutien de chaque citoyen ukrainien à hauteur d’une allocation unique de 1000 hryvnias, c’est à dire 20 euros

ce qui est extrêmement faible, et versé de manière indiscriminé, même à des gens qui n’en n’ont pas besoin

et dernièrement, le gouvernement a sorti un programme qui finance trois mille kilomètres de trajet en train

donc on peut faire 3 allers et retours entre la capitale Kyiv et la ville de Dnipro, à 500 kilomètres, gratuitement.

A quoi ça sert? Est-ce que c’est vraiment le genre de programme qui aide les Ukrainiens et qui rationnalise les dépenses de l’Etat…

le débat fait rage en Ukraine.

Bref, donc voilà où on en est. Un budget passé, qui prouve la résilience de l’Etat, un budget dédié quasi-entièrement à la défense, et les autres secteurs qui accusent le coup, victimes progressives de cette guerre d’attrition.

Comme je l’ai dit, c’est un budget sans aucun doute amené à être révisé

le budget 2025 a été révisé trois fois dans le cours de l’année pour augmenter les dépenses de défense.

ça sera sans aucun doute le cas encore en 2026.

Même si tout dépend de l’apport depuis l’étranger.

Le ministre des finances Serhiy Marchenko a estimé qu’il fallait au minimum 40 milliards d’euros de soutien externe pour 2026, mais ça semble très peu au vu des estimations de la

commission européenne qui elle calcule qu’il faudra 70 milliards d’euros en 2026 et 64 milliards en 2027

et cela inclut le soutien macro-financier, l’aide militaire, les différents programmes d’aide.

Il vaut mieux partir sur ces estimations hautes, car on voit déjà maintenant que les besoins n’arrêtent pas d’augmenter, et l’attrition de l’économie ukrainienne continue elle de réduire les ressources internes du pays.

Et c’est là où la question de l’utilisation des actifs russes gelés est cruciale.

J’en ai déjà parlé dans plusieurs vidéos, on voit que maintenant c’est une question centrale en union européenne et en Belgique, qui abrite la majorité de ces actifs russes gelés.

la commission européenne se démène pour convaincre le premier ministre bart de Wever, même Friedrich Merz s’y est mis.

je n’entre pas dans les détails car c’est très mouvant, je résume juste l’état des négociations par le titre de cette analyse de l’économiste britannique Timothy Ash qui suit cette question depuis longtemps

pour ceux qui ne comprennent pas ce que veut dire shitshow, je pense qu’on peut résumer cela par du grand n’importe quoi.

mais c’est de ce grand n’importe quoi que va dépendre la viabilité de ce budget 2026 et plus généralement de ses capacités de résistance pour un an de plus…

dans l’idéal, tout cela va se résoudre avant le sommet européen des 18 et 19 décembre, donc on aura l’occasion d’en reparler.

Pour l’heure, il me semblait important de parler de ce budget, car il montre que l’Etat résiste, que l’assiette fiscale reste importante, toute proportion gardée, et que le gouvernement a su survivre à la crise politique pour passer ce texte cadre très important,

le 34e budget de l’Ukraine depuis son indépendance en 1991, donc le premier budget c’était celui de l’année 1992.

Merci à vous

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