De Koursk à Pyongyang
Ce vendredi, la télévision d’Etat nord-coréenne a diffusé des images d’une cérémonie impressionnante, avec une choréographie impeccable, à la nord-coréenne
pour mettre en scène le retour de dépouilles de soldats tués en Russie, dans l’oblast de Koursk,
et que les larmes de Kim Jung Un soient réelles ou pas, elles sont la confirmation ultime que, oui, il y avait des soldats nord-coréens qui se sont battus en Europe, à 8000 kilomètres de leur pays.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo que je vais faire très courte aujourd’hui parce que je suis sur un reportage et je manque de temps,
mais je voulais marquer le coup, et bien établir sur cette chaîne que les nord-Coréens ont en effet été déployés et actifs au combat dans l’oblast de Koursk.
L’opération ukrainienne avait été lancée début août 2024, et dès septembre on voyait des nord-Coréens recevoir des uniformes et des équipements en Russie pour être déployés à Koursk.
On parlait d’un contingent de 12000 hommes
On manque d’informations précises bien sûr, mais il semble qu’ils aient été déployés entre novembre et décembre, et actifs jusqu’à la reconquête plus ou moins complète de ce bout de territoire russe.
Et encore une fois on manque d’informations fiables sur le bilan humain, la Corée du sud parle de 600 morts et plusieurs milliers de blessés. Mais on n’en sait pas plus.
Pendant ces longs mois, chacune des mes vidéos sur ce sujet s’accompagnait de commentaires niant purement et simplement la présence de ces nord-Coréens,
malgré des preuves de plus en plus tangibles.
ça reprenait un discours de désinformation porté par quelques personnalités bien estampillées comme pro-russes
et ça reprenait la stratégie de maskirovka russe, employée à de nombreuses reprises depuis la révolution de 1917
déjà pendant ce qu’on a appelé la guerre civile russe, ou les guerres d’indépendance ukrainienne, géorgienne, polonaises, lituanienne, lettone ou estonienne,
on avait vu des dissimulations de ce type menée par les bolchéviques
l’exemple le plus récent et le plus marquant, c’est évidemment le Kremlin qui a répété avec un froid déconcertant qu’il n’y avait pas de soldats russes en Crimée en 2014
avant que Vladimir Poutine lui-même les honore et les décore
ou encore le discours de désinformation autour de la guerre du Donbass qui prétend que les Russes n’avaient rien à voir avec le conflit ou son instrumentalisation.
A un moment donné, ces maskirovki sont systématiquement démantelées par les faits et quand leurs auteurs n’en n’ont plus besoin.
en l’occurrence, les masques sont tombées en avril quand la Corée du nord a officiellement reconnu que ses soldats avaient combattu contre l’Ukraine
en parallèle de la cérémonie d’accueil des cercueils à Pyongyang, la télévision d’état a aussi diffusé un reportage qui montrait ces mêmes soldats sur le terrain, combattant aux côtés des Russes et contre les Ukrainiens.
Vladimir Poutine a aussi envoyé une lettre à Kim Jung Un pour remercier les combattants héroïques qu’il lui a fourni.
Alors, qu’est-ce que tout ça nous apprend? Pas que j’ai eu raison, ça c’est vraiment secondaire.
Mais cela doit encore une fois nous rappeler que cette tactique de la dissimulation et du mensonge systématique est une politique d’Etat, que ce soit en Russie, en Corée du nord ou en Chine.
Et il faut le prendre en compte quand on écoute les dirigeants du Kremlin en l’occurrence crier leur bonne foi quant au réglement de leur guerre en Ukraine.
Deuxièmement, ça nous prouve que la Corée du nord a déployé des troupes à l’étranger non seulement pour la première fois depuis 1953,
mais en plus sur le continent européen, ce qui est un signe très parlant du retournement de l’ordre du monde tel qu’on l’a connu.
Aujourd’hui on a entendu la Chine affirmer qu’elle était prête à déployer ses propres troupes en Ukraine comme force de maintien de la paix,
c’est dans un contexte différent, parce qu’elle voudrait le faire avec un mandat du conseil de sécurité de l’ONU,
mais si ça se faisait ça minorerait encore la position des Européens sur leur propre continent.
Troisièmement, pour revenir à la Corée du nord, on a donc la confirmation qu’un Etat souverain a déployé un contingent de son armée régulière pour combattre aux côtés de la Russie.
le tout sans déclaration de guerre, ou sans déclaration du tout,
mais cela marque un élargissement du conflit tout à fait préoccupant.
Cette invasion de l’Ukraine n’est pas une guerre mondiale mais une guerre mondialisée, selon l’expression du géopolitologue Pierre Haski
et on voit qu’à la fois la Russie mais aussi l’Ukraine recrutent beaucoup à l’étranger des volontaires pour leurs armées
dans une prochaine vidéo je voudrais parler du phénomène des COlombiens qui combattent aux côtés des Ukrainiens, c’est un phénomène vraiment à part
on voit aussi que la Russie et l’Ukraine comptent beaucoup sur le soutien d’autres pays, pour les approvisionnements militaires, techniques, technologiques, énergétiques, financiers et bien sûr le renseignement.
mais aucun pays n’a pour l’instant déployé ses troupes régulières en Ukraine.
Quatrièmement, ce déploiement est un vecteur du renforcement de la position nord-coréenne
à travers l’expérience qu’on acquise ses soldats qui ont survécu des réalités d’un conflit du 21e siècle
à travers le renforcement de la relation avec la Russie, qui multiplie les transferts de technologie et les coopérations militaires et économiques
La Corée du nord a trouvé une voie royale pour dynamiser son économie, relancer des programmes d’armement par exemple en construisant sa première usine de drones, et accroître son potentiel de nuisance.
Cinquièmement, cela nous mène au constat que les Américains et les Européens, tous concentrés sur la Russie et sur la personne de Vladimir Poutine, sont aux abonnés absents sur cette question nord-coréenne.
A part des condamnations, on n’a pas vu de mesure concrète qui puisse rompre la belle entente entre Moscou et Pyongyang
ou tenter d’enfoncer un coin entre la Chine et la Russie, parce qu’on devine que Xi Jinping ne voit pas d’un très bon oeil cette pénétration russe dans son pré carré nord-coréen
Donald Trump avait passé une bonne partie de son premier mandat à mettre en scène son dialogue avec Kim Jung Un, le rocket man,
mais ça n’avait rien donné et là, il ne le mentionne pas, même pas pour dire publiquement qu’il n’aime pas du tout ce qui se passe comme il sait si bien faire.
là, on se demande vraiment si les Américains et les Européens ne sont pas en train de laisser un espace libre à la Russie et à la Corée du nord, dans lequel elles peuvent faire tout ce qu’elles veulent.
Parce que, mon sixième et dernier point, ces deux pays peuvent faire tout ce qu’ils veulent,
et après l’envoi de ce contingent de 12000 hommes, Pyongyang peut tout à fait renvoyer un autre contingent pour prendre part aux combats.
Non pas que la Russie en a besoin, sa campagne de recrutement a quasiment dépassé ses objectifs pour 2025, mais toute aide est bienvenue
d’autant que la montée en capacité de l’armée nord-coréenne n’est pas quelque chose qui ensuite restera cantonnée dans les frontières de ce régime stalinien,
ça peut être exporté à d’autres conflits.
d’autres conflits qui, si les choses continuent comme cela, avec des Etats comme la Corée du nord et la Russie qui ne peuvent être stoppés, pourraient bien se multiplier.
Là vous allez dire que je dramatise encore, et d’ailleurs Moscou et Pyongyang assurent qu’ils veulent la paix.
Mais je vais vous renvoyer à mon point sur la maskirovka.
Merci!