Des contre-offensives politiques?
On a beaucoup de nouvelles venant des fronts de la guerre russe en Ukraine ces dernières 48 heures,
et qui vont dans les deux sens: les Russes qui avancent dans plusieurs zones, et les Ukrainiens qui mènent des contre-offensives localisées.
On observe tout ça avec attention évidemment, mais avec une question sur les différences entre ces deux mouvements
parce que, du côté russe, le grignotage se poursuit, et on connaît bien les ressorts de la stratégie russe: des tactiques à la limite du kamikaze, beaucoup de pertes, mais beaucoup de réserves qui permet d’aller de l’avant.
par contre, chaque petit succès ukrainien est limité par l’absence de ressources humaines, et l’absence de moyens en général.
La question donc, c’est de savoir à quoi riment ces contre-offensives, et si elles ne sont pas plutôt politiques par nature?
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où je voudrais aussi introduire la notion de zone grise, qui est relativement différente des zones grises, des no mans’ land auxquelles on pense en général entre deux lignes de front, et qui s’étend beaucoup en ce moment.
Avant de commencer cette vidéo, je mentionne JD Vance
Pour cette vidéo, j’utilise beaucoup du travail de Clément Molin sur Twitter, X,
ce n’est pas le seul expert en Osint que je suis évidemment mais je vous le recommande, il fait un travail de synthèse remarquable.
Donc, là, ce qu’il s’est passé ces derniers jours, c’est d’abord et avant tout une série de contre-attaques localisées des forces armées ukrainiennes.
L’infiltration russe au nord de Dorbropilliya a bel et bien été stoppée. On sait désormais que les Russes ont pénétré jusqu’à 20 kilomètres au nord de la ligne de front, jusqu’à Petrivka.
Cette poussée, la fragmentation du front et le franchissement de la principale et dernière ligne de défense de la région de Donetsk est extrêmement grave pour le dispositif défensif ukrainien.
L’armée russe a manqué de peu l'exploitation de sa percée, notamment à cause des verrous de Shakove et Rodynske qui sont restés sous contrôle ukrainien.
Les Russes s’étaient déplacés par groupes légers ils n’avaient pas emporté d’armes lourdes, n’ont pas pu acheminer des renforts face à la couverture des drones, l’absence d’abris, la présence d’obstacles
En plus de cela, les Ukrianiens ont réagi très vite, en déployant des réserves pour contenir cette infiltration, puis le corps d’assaut d’Azov pour contre-attaquer.
Les ukrainiens ont ainsi réussi à reprendre le contrôle de la dernière ligne de défense, nettoyer la majorité de Pokrovsk et entreprendre des contre-attaques ailleurs.
Ailleurs, la 35ème brgd d'infanterie de marine a lancé une opération pour expulser les russes de l'oblast de Dnipropetrovsk dans la région d'Horikhove. D'autres unités ont repoussé les russes entre Iskra et la rivière Mokri Yali, brandissant leur drapeau à Zelenyi Hay et Tolstoi
Ces contre-offensives s’ajoutent aussi aux efforts dans la région de Soumy, pour repousser les Russes vers la frontière et réduire la portée des drones FPV sur la ville de Soumy.
Ces contre-offensives sont très très localisées et elles ne témoignent pas d’un mouvement général de poussée des Ukrainiens ou d’une inversion du rapport de force sur le terrain.
On le sait, l’Ukriane a des ressources humaines de plus en plus limitées et on voit de nombreux appels pour adopter une stratégie qui passe totalement en défensif et qui se concentre sur l’économie des vies des soldats.
donc on peut se poser la question de la pertinence de ces contre-offensives. Evidemment elles sont justifiées car les Ukrainiens cherchent à protéger leur territoire souverain et à reprendre les zones actuellement occupées par la Russie.
Mais si ce n’est pas un mouvement d’ensemble, on se demande:
d’autant plus que le calendrier est particulièrement symbolique: le 23 août, c’était la fête du drapeau ukrainien bleu et jaune,
et le 24 août, la fête de l’indépendance.
annoncer ces contre-offensives pendant ces jours, c’est évidemment très politique
et à la fois Volodymyr Zelensky et le commandant en chef des forces armées Oleksandr Sirskiy en ont fait une bonne publicité dans leurs discours et communications politiques de ces derniers jours.
Encore une fois, c’est justifié par la posture de l’Ukraine qui cherche à protéger et à recouvrir ses territoires.
Mais d’un point de vue de la stratégie, on se demande si ça va vraiment avoir des résultats
ou si ça va au contraire épuiser les réserves.
Côté russe, malgré ces revers localisés autour de Pokrovsk et Dorbropilliya, il y a des avancées qui sont à noter
le front se rapproche de Kostyantinivka, dans la zone où j’étais encore hier
Kostynatinivka souffre énormément des frappes russes notamment des KAB
Dans un autre coin, les Russes progressent aussi le long du fleuve Dnipro, ils ont avancé dans le village de Plavni.
Et leur progression met en danger les populations de la grande ville de Zaporojjia, qui est de plus en plus à portée des drones et de l’artillerie russe
La plus importante des avancées russes le long des lignes de front, c’est à Koupiansk,
où là, les Russes sont entrés dans la conurbation qu’ils avaient perdu en septembre 2022, en prenant le contrôle d’une banlieue qui s’appelle très symboliquement Moskovska.
Le fait que les Russes aient percé les défenses ukrainiennes et soient entrés pour de bon dans l’environnement urbain de Koupiansk n’augure rien de bon pour les Ukrainiens
et là encore, on peut se demander si cette percée au nord n’a pas été permise par un redéploiement des ressources ukrainiennes pour les contre-offensives autour de Pokrovsk.
On verra dans les jours qui viennent quelle allure ça prend, et si les Ukrainiens ont des réserves à opposer à cette nouvelle incursion,
en tous les cas, je voulais parler de la zone grise, comme je l’ai dit en introduction, qui est très spécifique et ça depuis quelques semaines à peine
parce que d’habitude, quand on pense à une zone grise, on pense à un no man’s land entre deux lignes de défense bien tenues, comme une guerre de trnachées à la première guerre mondiale
pendant 11 ans, depuis 2014, c’est comme cela qu’on a pu caractériser les fronts ukrainiens hormis les phases de guerre de mouvement depuis 2022.
Mais ces derniers mois, la morphologie de la ligne de front a changé: d’abord à cause des drones, qu’ils soient avec ou sans fibre optique
ça change la manière dont on pense la reconnaissance, la défense, le ravitaillement des troupes
mais aussi à cause des problèmes de ressources humaines dont souffrent les Ukrainiens.
qui fait que beaucoup de positions ne sont pas tenues physiquement et peuvent se retrouver prises ou dépassées par des groupes d’infiltration sans même qu’on se s’en rende compte
Ces groupes d’infiltration changent aussi la manière dont les positions sont disposées, on le voit sur cette carte de Clément Molin.
On arrive donc à avoir un gruyère, avec des positions entrechoquées, comme sur un échiquier.
Et donc il faut prendre en compte cette zone grise dans notre appréciation de la situation:
sur cette carte d@AndrewPerpetua sur X, on voit bien son étendue
Dans la zone en jaune, vous retrouvez des soldats russes dans certaines maisons, des ukrainiens dans d'autres, des soldats isolés derrière les lignes...
Ce qui doit vraiment nous inciter à la prudence quand on évalue les évolutions sur les cartes
parce qu’une percée peut être réalisée par 2 ou 200 soldats, ça, les cartographes ne l’indiquent pas forcémetn mais c’et ça qui va déterminer le succès ou l’échec d’une opération.
Une frappe de drone sur un soldat ou un drapeau brandi dans un village ne veut pas dire contrôle sur une zone donnée.
et étant donné que certaines zones très localisées du front sont très mouvantes aujourd’hui, on ne sait juste pas dans quelle direction ça va aller exactement.
Merci