La Pologne abat des drones russes: l'escalade?
458 de drones et missiles russes lancés sur l’Ukraine pendant la nuit du 9 au 10 septembre,
au moins une personne morte dans l’oblast de Jytomyr
dans tout le pays, y compris à Lviv où j’ai passé la nuit, des sirènes, des explosions, des tirs de DCA constants.
mais cette nouvelle attaque russe contre l’Ukraine n’est pas ce qui fait les gros titres ce matin
ce qui crée l’évènement, plus que ces bombardements russes auxquels on s’est habitué, c’est le fait que la Pologne a abattu au moins 8 drones probablement russes
qui avaient pénétré sur son territoire
et c’est la première fois qu’un pays de l’Otan abat des projectiles russes sur son territoire
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on tente d’y voir plus clair sur cette affaire.
Je vois un peu partout les titres portant sur l’escalade, la guerre entre la Russie et l’Otan
mais on ne peut pas être aussi simpliste.
là j’enregistre cette vidéo à chaud mais c’est avant tout pour expliquer pourquoi selon moi ce n’est pas une escalade, pourquoi c’est plutôt un test, et vous proposer deux enseignements de cette nuit.
Ce qui s’est passé, c’est l’entrée sur le territoire polonais, pendant la nuit, d’une dizaine de drones russes de types Shahed / Gueran
je n’entre pas trop dans les détails, ça vous les trouverez ailleurs
Est-ce qu’ils visaient une cible en Pologne ou est-ce qu’ils opéraient une manoeuvre pour retourner en Ukraine et contourner les défenses aériennes ukrainiennes, on ne sait pas.
Mais le fait que des l’espace aérien polonais soit violé n’est pas nouveau.
on se rappelle qu’en novembre 2022 la chute d’un missile de la défense aérienne ukrainienne avait provoqué deux morts dans un village polonais
Des projectiles volent aussi très souvent au-dessus des Etats baltes ou de la Roumanie
l’espace aérien de la Moldavie est aussi très régulièrement violé mais le pays n’est pas membre de l’Otan donc c’est un peu différent.
là, ce qui est différent c’est que l’aviation polonaise a réagi et a abattu ces drones, donc des engins sans pilote.
la Pologne a aussi fermé une partie de son espace aérien et rappelé une partie de ses réservistes.
et donc c’est clairement inédit, mais on ne peut pas considérer cet séquence comme un acte de guerre
d’abord parce qu’on ne sait pas si ces drones visaient la Pologne ou l’Ukraine.
deuxièmement parce que les incursions de drones dans l’espace aérien de la Pologne ou autre ne sont pas nouvelles
troisièmement parce que les attaques hybrides de la Russie contre la Pologne ou contre les pays de l’Union européenne ne sont pas nouvelles, ça fait des années que ça dure et que ce climat d’adversité et de confrontation est entretenu par la Russie
quatrièmement parce que si la Russie voulait sciemment attaquer militairement la Pologne, elle ne s’y prendrait pas avec seulement une dizaine de drones, elle enverrait au moins un ou deux missiles.
Ici, il ne faut pas voir une escalade parce que finalement on est dans la continuité de ce que la Russie a lancé en 2022.
plutôt que de redouter la guerre comme un concept absolu, il vaut mieux accepter le fait que l’on est déjà dans ce contexte d’affrontement depuis de nombreuses années,
et que ce contexte, il a été provoqué et entretenu par les agressions répétées de la Russie, que ce soit en Géorgie, en Ukraine, dans nos systèmes politiques ou dans nos sociétés.
plutôt qu’une escalade, il faut y voir un test, à plusieurs niveaux.
d’abord c’est le test de la confiance russe. On a vu qu’après les sommets en Alaska et en Chine, Vladimir Poutine est particulièrement regonflé
car il est désormais assuré du soutien d’une Chine décomplexée qui va l’aider à lever de l’argent sur son marché financier et qui va lui acheter son gaz à travers le gazoduc Force de Sibérie
il réitère ses ambitions maximalistes et invite Volodymyr Zelensky à Moscou sachant très bien que ce n’est pas possible,
il lance des attaques spectaculaires contre l’Ukraine, je rappelle qu’il y a deux jours, entre le 7 et le 8 septembre c’était un nouveau record de drones et de missiles contre l’Ukraine, 810 projectiles
donc un qui est tombé sur le bâtiment du cabinet des ministres à Kiev
Hier, c’était une attaque sur un rassemblement de retraités dans la région de Donetsk alors qu’ils recevaient leurs pensions: la frappe a fait 24 morts et 19 blessés
Vladimir Poutine est déshinibé, une fois de plus, d’autant plus qu’il a compris que Donald Trump ne fera rien pour l’arrêter.
Deuxième test, c’est celui de la réactivité de l’Otan dans le cadre du lancement des manoeuvres russo-bélarusses Zapad-2025
l’exercice est annuel, Zapad signifiant donc Ouest, Occident.
Hier, la Pologne a fermé sa frontière avec le Bélarus le temps de ces exercices, justement pour éviter tout débordement ou provocation
mais la provocation est venue des airs, les Russes testant cette détermination de l’Otan.
Après les trois années qui viennent de s’écouler, je suis à peu près sûr qu’ils sont surpris, à Moscou
comme un peu partout en Europe et aux Etats-Unis d’ailleurs
et c’est là un troisième test, c’est celui de l’autonomie stratégique des Européens, à travers ce cas polonais
on se rappelle en 2022, quand deux fermiers polonais étaient morts, l’administration Biden et les dirigeants du G7, qui étaient alors à Bali pour un G20
ont tous très vite cherché à pondérer et à minimiser la situation.
C’était l’époque où d’une part personne n’était prêt à ce genre d’évènement
mais aussi une époque où les garanties américaines pour la sécurité européenne étaient solides, dans les consciences comme dans la réalité
Avec Donald Trump et son administration au comportement erratique, il n’y a plus rien de sûr
et on ne peut plus imaginer que le département de la guerre, qui n’est donc plus celui de la défense, prenne des mesures concrètes pour protéger la Pologne ou le flanc est de l’Otan,
les Etats-Unis sont toujours présents, leur désengagement ne peut pas être instantané, et ils mettent toujours à disposition des Européens leur renseignement, leur logistique, leur expertise militaire
mais leur détermination politique n’est clairement plus là.
et là où les Américains exhibent leur flottement et leur faiblesse
les Européens doivent montrer leur force et leur détermination. C’est ce qu’a fait la Pologne cette nuit.
et c’est aussi ce qui a été en cours de discussion en Roumanie depuis des mois, on se rappelle qu’un projet de loi a abouti qui doit permettre à la défense aérienne d’abattre des drones russes sur son territoire
ça n’a pas encore été fait mais techniquement ça peut arriver à tout moment.
Alors, tout cela étant dit, je n’imagine pas vraiment qu’il va y avoir des conséquences directes à cette nuit, hormis une agitation politique en Pologne
ou l’on voit déjà que le premier ministre Donald Tusk et le Président Karol Nawrocki sont à couteaux tirés pour se présenter comme les grands défenseurs de la nation
par contre cette nuit doit être porteuse de deux enseignements
d’une part: comment les Polonais ont-ils intercepté ces drones: on connaît le différentiel de prix entre des drones à quelques dizaines de milliers d’euros et des missiles à plusieurs millions d’euros, qui plus est tirés par des chasseurs à plusieurs dizaines de millions d’euros
les Polonais, et les Européens en général, doivent renforcer leurs capacités de réponse asymétrique
deuxième enseignement, c’est que maintenant que ce tabou des tirs contre les projectiles russes a été franchi, alors autant aller au bout de la logique et déplacer plus vers l’est les capacités de défense aérienne européennes
c’est à dire en territoire ukrainien. Ca protégera d’autant mieux l’espace aérien polonais, de même que les villes ukrainiennes
et là je vous renvoie à l’initiative SkyShield et à la pétition en cours.
Et sur ce, merci!