L’économie ukrainienne à genoux?

On le sait, les Ukrainiens croient toujours dans leurs chances de victoire, en partie car ils estiment que la Russie sous sanctions va montrer des signes de faiblesse économique à un moment donné.

mais, en plus des considérations militaires, les Russes peuvent aussi faire ce calcul car l’économie ukrainienne est extrêmement affaiblie

et suspendue à un soutien international qui doit sans cesse être renouvelé.

Et justement, début juin, l’Union européenne n’a pas reconduit un régime de libre-échange intégral pour les exportations ukrainiennes qui avait été établi au printemps 2022 pour compenser le choc de l’invasion.

L’Ukraine pense donc déjà à 2026 avec une certaine appréhension

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on fait un petit point sur l’économie et les finances ukrainiennes.

Le ministre des finances Serhiy Marchenko ayant expliqué à Bloomberg la semaine dernière qu’il n’avait quasiment aucune visibilité pour le budget 2026, parce qu’il n’a pas reçu de promesses fermes de la part de ses partenaires internationaux

ça peut paraître encore loin, mais le budget doit être présenté à la fin de l’été, donc ça se rapproche à grands pas.

Je commence avec cette décision de l’Union européenne de ne pas renouveler ce régime de libre-échange intégral.

En fait, l’Ukraine est dans une zone de libre-échange avec l’Union européenne depuis 2016, au titre de l’accord d’association qui était au coeur de la révolution de 2014.

Mais il restait des barrières non-tarifaires, donc techniques, et des quotas d’exportations, notamment sur les produits agricoles comme le poulet, le miel, le blé ou le sucre.

ce qui est tout à fait normal, on se rappelle des autres pays qui ont adhéré à l’Union européenne, ils ont eu des restrictions et des périodes de transition pendant des années,

mais fin février 2022, tout cela a volé, pour pouvoir permettre à l’Ukraine de continuer à exporter alors qu’elle subissait un blocus des ports d’Odessa dans la mer noire, qu’elle perdait les ports de Marioupol, Berdyansk, Kherson et autres.

ça a conduit à une explosion des exportations par voie terrestre qui ont évidemment affecté d’abord les pays limitrophes, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie

sachant que l’Ukraine est depuis des années une des championnes mondiales d’exportation de blé, de tournesol et de colza.

ça a été très mal vécu par les agriculteurs de ces pays, et à travers toute l’Union européenne en général.

il est difficile de comprendre l’effet réel de cette hausse des exportations sur les prix et les revenus des agriculteurs, parce que c’était aussi dans le contexte de l’inflation post-Covid, de la hausse des prix de l’énergie

et on a des études contradictoires sur le sujet

mais le fait est qu’on a assisté à une levée de boucliers progressive de la part des agriculteurs qui s’et matérialisée par des blocages aux frontières et par une montée des mouvements anti-ukrainiens

évidemment la Hongrie de Viktor Orban n’en a pas eu besoin, mais en Slovaquie, en Roumanie et en Pologne on a vu que ça a joué un rôle dans les élections.

ce qui fait que cette mesure de levée de toutes les restrictions à l’importation n’a pas été reconduite ce début juin

la mise en application ne va pas être immédiate, il va y avoir une transition jusqu’à la fin de l’année

et en plus plusieurs pays ont mis en place leurs propres mesures de protection comme la Pologne ou la Hongrie

donc l’effet global est assez incertain, d’autant plus que les agrobusiness ukrainiens vont juste revenir à la situation d’il y a 3 ans, donc ils vont savoir s’adapter.

cette annonce n’est donc pas une catastrophe, c’est un retour à une situation normale d’un pays en cours d’intégration européenne

Mais l’Ukraine n’est pas dans une situation normale et d’un point de vue macro, c’est une mauvaise nouvelle

puisque tout ce qui contraint l’économie de ce pays en guerre s’ajoute à un monceau de difficultés colossales.

Si on reste sur le domaine du commerce extérieur, cette décision européenne s’ajoute par exemple à la guerre tarifaire de Donald Trump

il faut se rappeler que la Maison blanche n’a imposé aucun droit de douane sur la Russie, alors que les droits de douane globaux sur les exportations ukrainiennes sont passées à 10%

et sur la métallurgie, sur ce qu’il reste du secteur metallurgique ukrainien, à 25%

Les exportations vers les Etats-Unis ne représentent que 2% du total des exportations ukrainiennes, donc là encore, rien de catastrophique

alors que 60% des exportations du pays vont vers l’Union européenne

mais ce sont des petites gouttes qui fragilisent encore un peu plus le tissu économique ukrainien.

le PIB, qui a connu une chute de 29% en 2022, connaît une croissance très modeste depuis, à 5% en 2023 et 3% en 2024

les prévisions de croissance sont d’à peine 2% pour 2025 et 2026.

dans le même temps, l’inflation vient d’excéder les prévisions de la Banque nationale, à presque 16%

En France, le pic de l’inflation en 2022 c’était 5%, ça vous donne un élément de comparaison

ça veut dire que l’économie ukrainienne peine vraiment à se remettre du choc de l’inflation,

et c’est assez normal puisque l’essentiel des ressources du pays sont dirigées vers l’effort de guerre

On vient d’avoir les chiffres: plus de 74% du budget d’Etat du premier trimestre a été alloué au secteur de la défense, c’est à dire 18 milliards d’euros

18 milliards d’euros, je ne veux pas vous assommer avec des chiffres, mais c’est à peu près ce que l’Ukraine a reçu en aide de ses partenaires étrangers en 2024.

donc ça vous donne une idée de la situation très difficile dans laquelle se trouve l’Ukraine.

Et en plus, cette aide internationale, tout ne vient pas sous forme de dons comme l’a répété à qui voulait l’entendre Donald Trump

la plupart, ce sont des prêts

et il y a 3 jours, le 9 juin, l’Ukraine a procédé au premier versement de remboursement de ses nombreuses dettes depuis 2022.

c’était 171 millions de dollars pour le FMI - encore une fois, rien de catastrophique, c’est un montant relativement modeste, mais c’est une pression en plus sur le pays.

La seule bonne nouvelle pour l’Ukraine c’est que l’assiette fiscale est solide, après des réformes l’an dernier et des hausses d’impôts notamment sur les superprofits bancaires

et il continue à y avoir une activité économique en Ukraine qui génère des revenus, même si ça n’a rien à voir avec les économies européennes

ce qui fait que le budget d’Etat peut compter à 30% sur ses ressources propres.

Mais pour 2026, qui commence dans moins de six mois, c’est l’inconnu

l’Ukraine est en négociation permanente avec le FMI, ses partenaires étrangers et ses créanciers publics et privés.

Avec cette petite perspective, que la question de la saisie des actifs russes, 220 milliards d’euros en Union européenne, 330 milliards en tout, se débloque.

Voilà qui donnerait à la fois des marges de manoeuvre aux Européens parce que, je le redis, il n’y a pas de raison que ce soit le contribuable qui paie, il y a des alternatives

mais qui redonnerait surtout une ouverture inespérée à un pays qui, de mois en mois, s’enfonce dans une situation de plus en plus compliquée.

Voilà il me semblait important de faire un point là dessus, je suis sûr qu’on aura l’occasion d’y revenir,

Merci

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