Élections locales en Géorgie
Ce 4 octobre, les électeurs géorgiens sont appelés aux urnes pour les municipales afin d’élire maires et conseillers départementaux
Reste à savoir combien répondront présents : pour beaucoup, face à la régression démocratique en cours, ce rendez-vous électoral n’a guère de sens.
Et la plupart des partis d’opposition ont choisi de boycotter le scrutin
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on parle donc d’un scrutin sans surprise, et d’une journée qui ne mènera sans aucun doute à aucune évolution marquante,
mais qui donne l’occasion de parler de Géorgie, où, on le sait, la contestation continue suite aux fraudes électorales d’octobre 2024
avec des manifestations quotidiennes, toujours dans le centre de Tbilissi et quelques fois dans d’autres villes
la plupart du temps réunissant quelques dizaines de personnes, quelques fois plusieurs milliers
ce 3 octobre, on en est à 310 jours de manifestations ininterrompues, il faut quand même le remarquer
Mais force est de constater que cela n’a rien changé, que le pouvoir reste inflexible face à cette contestation,
que la politique d’intimidations, d’arrestations et de procédures judiciaires menée par les autorités est diablement efficace
puisqu’il ne s’agit pas d’une répression de masse, mais d’une arrestation par-ci, d’un procès par là, ici on met une grosse amende, là on fait pression sur un média
c’est très insidieux, et évidemment épuisant pour les opposants.
et enfin, force est de constater que l’opposition est morcelée et divisée
d’abord parce que les manifestants qui descendent dans la rue tous les jours refusent une organisation verticale avec un leader désigné
mais aussi parce que les différents partis sont avant tout une coalition anti-Bidzina Ivanishvili, l’oligarque qui a capturé les institutions d’Etat.
ils ne s’entendent pas entre eux, ils ne s’entendent pas sur une stratégie commune ou sur des représentants politiques communs
c’est une des raisons pour lesquels la plupart d’entre eux boycotte les élections locales
même si deux partis d’opposition vont quand même y participer.
Une autre raison, de toute évidence, c’est de dénoncer le manque de transparence des autorités et le risque de fraudes électorales.
Le Premier ministre n’a autorisé qu’au début septembre le déploiement d’une mission d’observation de l’OSCE, ce qui était trop tard pour que celle-ci s’organise
et donc à la place, on aura des observateurs du Conseil électoral national d’Éthiopie ou de la Commission centrale des élections et des référendums du Kirghizistan.
Il y a une troisième raison, c’est que l’opposition, les oppositions incarnent pour beaucoup des intelligentsia urbaines, éduquées, actives dans la société civile et désireuses d’une ouverture sur l’étranger
tout en entretenant une méfiance marquée vis-à-vis de la Russie
j’en ai déjà beaucoup parlé dans mes précédentes vidéos sur la Géorgie, je vous laisse aller voir.
Mais cela veut dire aussi que les oppositions n’ont qu’un ancrage très relatif dans les territoires, et pour des élections locales, ça la fout mal.
Les oppositions auraient pu remporter la capitale Tbilissi, puisqu’elles ont récolté plus de 50% des voix aux élections de 2024.
Mais comme elles n’ont pas pu s’entendre sur un candidat unique, c’est une opportunité manquée.
Ce qui fait que le Rêve Géorgien, le parti au pouvoir de l’oligarque Bidzina Ivanishvii, va conforter sa position dominante dans les territoires: il est déjà à la tête de 63 des 64 sakreboulo (les conseils départementaux).
et vu le boycott des oppositions, il a une chance de remporter 64 sur 64 de ces sakreboulo et la plupart des municipalités
Donc comme je l’ai dit, probablement une journée sans surprise. Mais ces élections dans des régimes illibéraux et autoritaires sont toujours des moments importants car ils permettent,
même s’il n’y a pas de concurrence politique, de jauger la popularité des régimes en place
En l’occurrence, il y aura deux indicateurs principaux:
d’une part la manifestation de grande ampleur à Tbilissi à laquelle les oppositions appellent
Combien de participants? Quel dispositif de police? Quel déroulé?
Le pouvoir d’Ivanishvili a d’ores et déjà averti de la menace d’un coup de force à cette occasion, perpétré à la fois par les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur.
par extérieur il entend évidemment les Européens et les Américains, qui l’ont tous mis sous sanctions avec ses collaborateurs.
Pour ce régime illibéral là, il n’y a pas la même connivence MAGA que l’on peut voit avec Viktor Orban ou même désormais avec Alexander Loukachenko
l’administration Trump et le Congrès sont très stricts vis-à-vis de Bidzina Ivanishvili, allez savoir pourquoi.
Franchement on n’attend pas de coup de force comme ça, au vu des 310 jours de manifestations précédents, il y a peu de chances que le 311e jour soit différent.
Deuxième indicateur, et sans doute le plus important: le taux de participation.
En Russie, en Turquie ou en Iran, pour ne parler que des voisins régionaux, c’est comme ça qu’on mesure la popularité d’un régime illibéral ou autoritaire.
Le véritable enjeu de ces élections se jouera donc en dehors des urnes.
Parce que oui, il y a un enjeu. Pas de changement de pouvoir mais de légitimation ou discrédit du régime.
combien de Géorgiens oseront encore défier un régime qui verrouille le pays ?
Pendant la Révolution des Roses de 2003, pas moins de 30 000 manifestants avaient pris d’assaut le Parlement
mais ce n’est qu’après que l’armée les eut rejoints que le président Chevardnadze accepta de négocier une transition démocratique.
Sans le soutien d’acteurs clés, tels que des membres du gouvernement actuel, des hauts gradés, ou tout autre intermédiaire du pouvoir,
il est difficile d’imaginer que le 4 octobre puisse produire le moindre résultat.
Mais on suivra ça. Merci!