Oeil pour oeil, dent pour dent: l'Ukraine ET la Russie dans le noir?
On le suit de jour en jour depuis des semaines: les files d’attente aux pompes à essence en russie, les pénuries qui se multiplient, les prix qui augmentent.
La Russie subit des pénuries à hauteur de 20% de ses besoins, elles touchent 59 des 83 sujets de la Fédération.
Mais alors que les frappes ukrainiennes en Russie continuent de détériorer cette situation, les frappes russes en Ukraine ont causé la perte de plus de 50% des capacités de production de gaz
poussant l’Ukraine à négocier des importations d’urgence pour faire face à un hiver qui s’annonce, encore une fois, très difficile.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on s’intéresse à la situation énergétique en Russie mais aussi en Ukraine
dans le cadre de cette guerre d’attrition où chacun porte des coups de plus en plus dur à son adversaire, mais sans parvenir à le mettre à terre
en tout cas pas pour l’instant.
Je vais parler de la situation en Ukraine, puis en Russie, et je terminerai par les frappes en miroir, et les capacités de frappe de l’Ukraine avec son nouveau missile Flamingo.
Ca fait depuis septembre 2022 que la Russie vise les infrastructures énergétiques ukrainiennes, et on voit que le pays souffre mais qu’il tient bon.
Ca sera sans doute la même chose cette année, même si la campagne de frappes russes a commencé très tôt dans la saison.
J’ai cité la perte de plus de 50% des capacités de production de gaz, qui pousse l’Ukraine a importer du gaz en urgence, et à dépenser au moins 2 milliards d’euros jusqu’au mois de mars
évidemment avec le soutien des partenaires étrangers mais quand même, ça fait mal alors que l’Ukraine est en train de faire passer son budget 2026.
Le plus rageant étant que l’Ukraine pourrait assurer sa propre consommation de gaz, elle a suffisamment de réserves, là ce sont les capacités d’exploitation qui ont été touchées,
notamment à travers des frappes massives dans les régions de Kharkiv et Poltava au tout début octobre.
On assiste aussi à des tirs réguliers sur d’autres infrastructures énergétiques, notamment des centrales thermiques
La semaine dernière, c’est la région de Tchernihiv qui a été touchée, provoquant une longue coupure de courant dans la ville de Slavoutitch, la ville des ingénieurs de Tchernobyl,
et l’arche de confinement du réacteur numéro 4 s’est aussi retrouvée sans électricité pendant de longues heures. Le niveau de radiation est resté constant, mais que se passerait-il si la panne se prolongeait?
Donc on voit bien qu’il n’y a pas que les situations pour le parc résidentiel, ça va bien plus loin.
En conséquence, La banque mondiale a réduit ses projections de croissance pour l’Ukraine en 2026, à environ 2%.
L’Ukraine a connu une chute de 29% de son PIB en 2022 à cause de l’invasion, et depuis son économie tient mais ne connaît qu’une croissance atone, ce qui indique que le pays ne s’est toujours pas remis de ce choc
et le redressement ne va vraisemblablement pas arriver de si tôt
En Russie aussi, ça va mal. On le sait, les indicateurs économiques et financiers sont dans le rouge,
hier 8 octobre l’indice boursier le MOEX est tombé au plus bas depuis septembre 2022
la Douma étudie une proposition de loi pour imposer les grandes fortunes à hauteur de 60%
le fonds souverain a atteint un minimum historique,
on peut allonger la liste
et évidemment ça s’ajoute à ces pénuries d’essence qui sont très visibles, ces longues files d’attente à travers tout le pays,
désormais ça touche 59 entités administratives sur 83
sachant que dans ces 83 entités on ne compte pas la Crimée et Sébastopol où la situation est critique
une récente frappe ukrainienne a réduit en cendres un énorme dépôt d’essence qui brûle depuis trois jours
les autorités locales ont imposé des restrictions à l’achat d’essence, ce n’est plus que 20 litres par plein
3 autres régions ont emboîté le pas à la Crimée pour imposer des restrictions: Chelyabinsk, Tioumen et Sverdlovsk.
La situation est telle que la Russie s’est mise à importer de l’essence raffinée
donc elle a toujours des réserves de brut colossales mais elle a perdu un grand nombre de raffineries, ce qui provoque cette pénurie d’essence, principalement de sans-plomb 95
en l’occurrence, les importations viennent pour beaucoup du Bélarus, qui n’est pas connu pour être un gros producteur, mais qui a quand même augmenté ses exportations d’essence vers la Russie de 4 fois.
C’est un renversement total de paradigme pour la Russie, qui est auto-suffisante en énergies fossiles depuis la révolution industrielle et exportatrice depuis la guerre froide.
Si on prend un peu de recul pour prendre la mesure de ce changement de paradigme, je veux mentionner la situation en Transnistrie, cette petite langue de terre entre la Moldavie et l’Ukraine, occupée par la Russie.
La crise énergétique s’aggrave visiblement de jour en jour, on assiste à des pannes d’électricité prolongées
il faudrait faire une vidéo dédiée spécifiquement à cette situation mais ici je voulais mettre en lumière ce cas: la Russie ne parvient même plus à approvisionner son exclave
et la population de Transnistrie, qui a vécu pendant 3 décennies sur la base d’un gaz russe gratuit, est en train de connaître un choc psychologique inédit
tout comme la population russe en Russie, à travers ces pénuries d’essence, les retards et annulations de vols à partir des aéroports visés par des drones ukrainiens
et aussi, potentiellement, à travers la reproduction des coupures de courant que connaissent les Ukrainiens.
On l’a vu à travers une coupure prolongée à Belgorod, cette capitale de région près de la frontière ukrainienne
qui a été plongée dans le noir plusieurs fois entre le 4 et le 5 octobre.
Ce n’était pas un hasard: les Ukrainiens répondent oeil pour oeil, dent pour dent aux attaques russes
en l’occurrence, c’était une réponse à l’attaque sur les infrastructures gazières dans les régions de Poltava et Kharkiv.
On peut donc s’attendre à ce jeu en miroir pendant tout l’hiver,
les Russes tapent des centrales ukrainiennes, les Ukrainiens ripostent sur le même genre d’infrastructure
tout ça, évidemment, au mépris des lois de la guerre, des conventions internationales, qui devraient empêcher les tirs sur ces installations civiles.
Mais les Russes sont coupables du crime d’agression en février 2022, et coupables d’avoir commencé à viser ces infrastructures énergétiques à partir de l’automne 2022.
La différence cette année, c’est que les Ukrainiens peuvent riposter
avec leurs drones à longue distance évidemment, on a encore vu un raid battre un record de distance en frappant une raffinerie à 2100 kilomètres des frontières ukrainiennes.
Mais aussi avec leurs missiles balistiques flamingo qui a une portée de 3000 kilomètres et peut porter une charge de plus de 1100 kilos
il a plus de portée et il est quatre fois moins cher que le Tomahawk américain dont parle Donald Trump. Il va peut-être les envoyer, un jour, dans deux semaines comme à son habitude, ou pas du tout.
Ou peut-être qu’il va en envoyer un ou deux et qu’il ne va jamais autoriser les Ukrainiens à s’en servir mais qu’il assurera qu’il mérite le prix Nobel de la paix pour cela, bon on verra.
de toutes les manières pour les Ukrainiens il vaut mieux avoir ce genre de discussions vides de sens avec l’administration Trump que pas de discussion du tout.
Le Flamingo a déjà été utilisé une fois au moins, en Crimée à la fin août.
Et on sait qu’il est utilisé régulièrement sur d’autres cibles, même si on ne sait pas précisément lesquelles.
Mais tout l’arsenal est loin d’être utilisé. Actuellement, l’Ukraine produit entre 2 et 3 Flamingo par jour
et on passerait à 7 par jour d’ici la fin de l’année.
La ligne de production a été lancée en août, ce qui fait qu’on peut estimer que l’Ukraine dispose déjà d’au moins une centaine de missiles d’une portée de 3000 kilomètres.
En plus de tous ses autres systèmes.
Clairement, tout n’a pas été utilisé, ce qui veut dire que l’Ukraine, qui frappe chaque jour les infrastructures pétrolières russes, garde ses missiles pour d’autres occasions.
et ces occasions, ça peut être cette réponse oeil pour oeil, dent pour dent, si les Russes continuent à frapper les centrales énergétiques ukrainiennes.
On a vu sur le terrain que l’Ukraine pouvait rendre coup pour coup aux Russes depuis 2022. Mais cette parité dans les frappes dans la profondeur, c’est nouveau.
ça ne veut pas dire que la situation n’est pas extrêmement compliquée pour l’Ukraine, et ça veut encore moins dire que ça peut amener à une sortie du conflit incessamment sous peu
puisque l’attrition, c’est l’épuisement, donc un processus lent et progressif
là, on n’y est pas et d’une frappe à une autre, l’hiver sera bel et bien difficile.
Merci