Chaos à Dobropillia
C’était le 11 août qu’apparaissait sur les cartes de la guerre en Ukraine une percée russe de plus de vingt kilomètres entre Pokrovsk et Dobropilliya
qui avait fait les gros titres et suscité énormément d’inquiétude sur un possible effondrement du front ukrainien dans ce secteur très localisé.
En plus d’un mois et demie, on a assisté à des dizaines de déclarations allant dans tous les sens, les uns parlant de la consolidation de la poche par les Russes, les autres parlant d’une reprise totale de contrôle du territoire par les Ukrainiens
En fait, un mois et demie après, on obtient une situation sans vainqueur ni vaincu, sans ligne de front, sans certitude, mais plutôt un chaos généralisé.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo qui fait le point sur la situation militaire autour de Pokrovsk, ça fait longtemps que je ne l’ai pas fait.
C’est en fait la situation à koupiansk qui est la plus préoccupante pour les Ukrainiens puisque les Russes sont de nouveau présents dans la ville qu’ils avaient perdu en septembre 2022,
et la situation dans le secteur de Novopavlivka car les Russes s’installent de plus en plus dans l’oblast de Dnipropetrovsk
en profitant du fait qu’il s’agit principalement de zones rurales sans obstacle naturel.-
Mais ça fera le sujet d’une prochaine vidéo, la on peut se concentrer sur Pokrovsk - Dobropilliya, et à la fin je remettrai tout ça en perspective sur la guerre en général.
Tel que la situation a été répétoriée par les cartes de Deepstate, on a assisté à une percée inédite à partir du 11 août
qui a été coupée en deux dès le 15 août grâce aux actions décisives des unités d’Azov qui se sont impliquées très fortement et très rapidement
et à partir de là, la situation est restée assez floue, avec des attaques et des contre-attaques qui se sont multipliées dans le secteur
le tout sur fond de déclarations des Ukrainiens qui assurent que les Russes sont encerclés, qu’il n’y a pas de poche, que la situation est sous contrôle.
et des déclarations de Russes assurant que leurs troupes sont bien installées, déjà dans la ville de Pokrovsk et aux portes de Dobropilliya.
Ce secteur est particulièrement important puisque comme on le sait, les Russes ont déployé environ 100.000 hommes pour conquérir Pokrovsk et de là remonter sur la conurbation fortifiée de Kostyantinkivka, Droujkivka, Kramatorsk et Slaviansk
Et c’est un secteur qui a concentré plus de 30% des affrontements entre Russes et Ukrainiens au cours du mois de septembre, justement selon Deepstate.
on le sait, les cartes Deepstate ne sont pas les seules références sur ce conflit et elles peuvent manquer de précision à certains moments
mais elles sont une des meilleures ressources dont on dispose depuis 2022 pour suivre l’évolution du conflit en termes de contrôle territorial
et là, ce qui est intéressant, c’est que Deepstate montre bien l’expansion de la zone grise qui est en fait la seule règle de cette partie du front aujourd’hui.
Ce que nous montre cette carte, et la plupart des autres, est trompeur, car on a l’impression que les zones de couleur sont fermement tenues par les belligérants.
mais en fait, on se retrouve plutôt avec un gruyère de positions qui sont tenues par les uns et par les autres, sans aucune continuité dans le temps ou l’espace
ça change très vite, et tout mouvement de troupes fait causer le risque d’une exposition de ses flancs ou d’un encerclement, tout simplement parce qu’on ne sait pas où sont les ennemis.
et il faut s’imaginer ce à quoi ça peut ressembler, un terrain miné, des villages anéantis, où il faut se méfier de chaque ruine qui peut abriter un ou plusieurs soldats
le tout survolé sans cesse par des drones qui n’attendent qu’une chose c’est s’abattre sur vous
S’il y a une logique dans ce chaos, c’est que le nombre a l’avantage.
Les Russes continuent de pousser dans toutes les directions et de lancer des opérations de ravitaillement de leurs troupes éparpillées aux quatre vents
parce qu’ils peuvent se permettre d’envoyer un, deux, trois groupes ou plus, jusqu’à ce que ça marche
alors que les Ukrainiens qui manquent cruellement d’hommes sont bien plus dans l’économie et la prudence.
De cette situation, il faut tirer plusieurs conclusions:
en un mois et demie, les Ukrainiens n’ont toujours pas réussi à résorber cette percée malgré les déclarations du haut commandement
ce qui illustre évidemment leur manque d’hommes mais qui implique aussi que cette situation peut se reproduire à n’importe quel moment, n’importe quel endroit,
puisque la cause de cette percée a été l’exploitation d’un trou dans le dispositif de défense et l’exploitation d’un avantage numérique des Russes.
C’est arrivé là, ça peut arriver ailleurs.
la deuxième conclusion c’est qu’il n’y a pas de conclusion, dans le sens où cet affrontement n’est pas terminé
les Ukrainiens peuvent tout à fait reprendre le village de Kucheriv Yar, la base principale des russes dans ce saillant,
ou un groupe de Russes peut à tout moment se retrouver à Dobropilliya parce qu’ils se seront faufilés entre les mailles du filet.
On n’est donc plus dans la guérilla urbaine de Bakhmout où on se battait pour chaque pâté de maison
ou dans la bataille pour Avdiivka où ce sont les bombes planantes qui ont créé une différence, en plus de l’infiltration de soldats russes dans des gazoducs désaffectés.
Là, on est vraiment dans un jeu de chat et de la souris, dans un jeu de cache-cache dans lequel les beliigérants peuvent se surprendre à tout moment.
Et à partir de là, la bataille pour Pokrovsk peut être gagnée ou perdue presque du jour au lendemain.
On peut avoir l’impression de loin que tout est suivi en direct, que tout est observé et vu, mais cette percée russe vient nous rappeler que l’élément de surprise reste crucial dans cette guerre.
Alors, dans ce secteur là, les russes ont un certain avantage, même si comme j’ai dit, rien n’est décidé et c’est plutôt le chaos qu’autre chose
dans ce secteur et donc à Kupiansk et Novopavlika.
Mais en parallèle de ça, on voit quand même que les Russes ne sont pas bien en point
au mois de septembre, ils ont conquis seulement 259 kilomètres carré selon Deepstate, leur plus mauvaise performance depuis le mois de mai, et c’est une conclusion très modeste de la saison estivale
pendant laquelle les russes n’ont pris que 1548 kilomètres carré de terrain
on a bien vu que s’il y avait des objectifs pour une contre-offensive pendant l’été, ils n’ont pas été atteints.
on va me dire: oui mais les Russes continuent à avancer alors que les Ukrainiens reculent, c’est vrai.
mais on voit un ensemble de signaux qui ne va pas forcément dans le bon sens pour les Russes
évidemment les pénuries d’essence, j’en ai parlé précédemment et la situation ne fait que s’empirer,
les voyants de l’économie qui sont au rouge, même l’oligarque Alexander Shokin le patron du syndicat des oligarques le reconnaît
la nouvelle que Donald Trump a donné son accord pour partager du renseignement afin d’améliorer la précision des tirs de missiles ukrainiens dans la profondeur russe
les discussions autour de l’envoi de missiles américains Tomahaws d’une portée de 1600 kilomètres
ce ne sont pas des signes qui peuvent amener le Kremlin à terminer sa guerre, surtout pas l’économie.
Et comme vous le savez, l’Ukraine a aussi d’énormes problèmes et j’en parle régulièrement sur cette chaîne
mais le phénomène intéressant en Russie, c’est que ça inquiète suffisamment pour que les propagandistes eux-mêmes en parlent
Tatiana Montyan, une ukrainienne devenue blogueuse pro-russe, évoque une nouvelle vague de mobilisation parce que l’armée russe commencerait à manquer de réserves à cause de ses pertes,
Dmitry Rogozine, un sénateur très proche du Kremlin, a déploré que l’armée russe ne pouvait plus avancer, que la situation était bloquée
Pavel Goubarev, un acteur clé de la prise de contrôle de Donetsk par les Russes en 2014, a déploré les pertes incommensurables de l’armée russe
en assurant que la situation ressemblait déjà à une défaite pour la Russie, qui ne peut plus gagner la guerre.
Pavel Goubarev a aussi critiqué la propagande russe qui fait croire que l’Ukraine est sur le point de s’écrouler alors que la pénurie de sans-plomb 95 en Russie cause d’énormes problèmes.
En critiquant la propagande justement, on a justement ce monsieur, je ne connais pas son nom, qui est passé sur la télé d’Etat russe pour assurer que les chiffres des pertes ukrainiennes compilés par le ministère de la défense russe ne sont pas corrects
ce n’est pas la première fois que des propagandistes expriment des critiques de la politique officielle
et s’ils le font c’est qu’ils y sont autorisés
mais justement s’ils y sont autorisés, c’est que le Kremlin tente de faire passer un message, que peut-être la victoire n’est pas atteignable.
ou qu’il va falloir faire des compromis sur les objectifs
et ne serait-ce que ça, c’est un signal que la situation n’est pas si positive que ça pour la Russie.
On va continuer à suivre ça évidemment,
pour l’heure merci