Perdre sa dignité ou un allié essentiel
On en sait beaucoup plus sur la proposition du plan de paix concocté par Steve Witkoff et Kirill Dmitriev
on en sait plus sur les détails, mais aussi sur la réaction ukrainienne et la pression américaine.
Parce que cette fois, la Maison blanche ne parle pas d’une tentative ou d’un processus, mais bien d’un accord à prendre ou à laisser.
Alors parlons-en
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on s’intéresse à ce qui pourrait bien marquer un tournant dans cette guerre,
un de plus me direz-vous. Quand je dis tournant je ne dis pas forcément que cet accord va être adopté, signé, ratifié et appliqué.
Mais par contre, dans une vidéo publiée vendredi 21 novembre, Volodymyr Zelensky estime clairement que l’Ukraine doit faire face à un choix très dur,
entre accepter un accord douloureux et perdre un allié essentiel,
cet allié évidemment ce sont les Etats-Unis.
Très rapidement, je mentionne que le 21 novembre c’est le jour de la dignité et de liberté en Ukraine, qui commémore le début du Maïdan, le 21 novembre 2013
On voit tout le chemin parcouru ces 12 dernières années mais aussi toutes les épreuves auxquelles ont du faire face les Ukrainiens,
et ce n’est pas fini.
21 novembre, c’est aussi l’anniversaire d’Andriy Yermak, le très influent chef de cabinet de Volodymyr Zelensky qui est de plus en plus sur la selette à cause de la désapprobation populaire liée au récent scandale de corruption
Il a sauvé sa peau mais il est vraiment en sursis.
Voilà je ferme là cette parenthèse du 21 novembre, c’était juste pour mentionner parce que ça n’arrive pas souvent ces dates très symboliques.
Donc hier le 20 novembre j’ai enregistré une vidéo pour dire que cette initiative de Steve Witkoff et Kirill Dmitriev était bizarre
et que personne n’en endossait vraiment la responsabilité.
ça a changé, là il est clair que ce plan existe, qu’il est endossé par la Maison blanche qui met énormément la pression sur l’Ukraine, je vais y revenir.
On a les détails du plan qui ont filtré dans la presse, alors ça peut encore changer mais on voit dans quel sens ça va, celui d’une complaisance vis-à-vis de la Russie.
évidemment je ne vais pas tout détailler, mais en gros, réduction des forces armées,
reconnaissance de facto du contrôle russe sur les territoires occupés, avec Donetsk, Louhansk et la Crimée qui sont reconnues comme russes de facto
levée des sanctions sur la Russie et réintégration dans le système international
dans le plan de reconstruction et relance en faveur de l’Ukraine, la part belle est donnée aux intérêts américains
les questions d’un statut spécial pour la langue et de l’Eglise qui avaient filtré dans la presse ne sont pas mentionnées comme telles dans les informations qui ont fuité.
Toute la philosophie du projet, ça va dans le sens des intérêts russes et américains car comme je l’ai dit les Etats-Unis veulent retirer une bonne part de la reconstruction et des deals à venir
tout ça rentre dans la logique de Donald Trump: finir cette guerre, quel qu’en soit le prix pour l’Ukraine.
et ça rentre dans la logique de Steve Witkoff qui s’est longuement fait raconter l’histoire de la Russie par Vladimir Poutine et convaincu que l’Ukraine avait déjà perdu
ce qui n’est pas vrai.
Un point qui illustre bien cela, c’est le point numéro 23 sur le commerce fluvial et la mer Noire.
Je m’arrête là-dessus parce que c’est particulièrement parlant.
Le point 23 dit: ”La Russie n’empêchera pas l’Ukraine d’utiliser le fleuve Dniepr pour des activités commerciales, et des accords seront conclus sur le libre transport des céréales à travers la mer Noire.”
Mais ça ne rime à rien. Le commerce fluvial était réduit au minimum depuis les années 90, par manque d'investissements et d'aménagements mais surtout par manque de rentabilité par rapport à la route et au rail.
Si l'Ukraine était sérieuse quant au commerce fluvial, il faudrait qu'elle s'entende avec la Russie sur la reconstruction du barrage de Nova Kakhovka, ou en tout cas du réaménagement de la section du fleuve vers la mer Noire. Dur à imaginer.
Et "le libre transport des céréales à travers la mer Noire"? L'Ukraine l'a déjà garanti, grâce à ses drones marins et le soutien de ses
partenaires de l'Otan, en particulier la Turquie. C'est la Russie qui peine à utiliser la mer pour exporter ses denrées alimentaires et celles qu'elle spolie des territoires occupés! On peut trouver que les autres points, c'est pas gentil. Mais ils sont compréhensibles:
ce sont des conditions que l'on appliquerait à un perdant que l'on veut humilier mais pas trop. La Russie pousse pour cette lecture de la guerre (l'Ukraine a déjà perdu) et Witkoff/Trump le croient. Ok. Mais si leur projet était aussi juste et équilibré que le prétend
la Maison blanche (win/win que dit la Leavitt, on croit rêver), alors il reconnaîtrait la position de force qu'occupe l'Ukraine dans la mer Noire. La Russie a perdu plus d'un 1/3 de sa flotte, qui a été obligée de se replier vers l'est. La Crimée est invivable. 7/
Si un accord reconnaît le contrôle de facto des territoires occupés en vertu du rapport de force (realpolitik, tout ça), alors il doit inclure une démilitarisation de la Crimée et une réduction des effectifs de la flotte russe de la mer Noire. En vertu du rapport de force. 8//
donc ça c’est très parlant et ça explique pourquoi personne en Ukraine ou dans les chancelleries européennes n’est très enthousiaste.
Et ça nous donne un air de déjà vu l'administration Trump se pointe avec un plan complaisant avec la Russie, concocté par Witkoff qui est persuadé qu'il a tout compris et que c'est génial.
Le plan ne plaît pas à Kyiv. Alors la Maison blanche menace de tout couper et de rejeter toute la faute de l'échec de cette nouvelle trumperie sur l'Ukraine.
Ca na pas marché une fois, deux fois, trois fois (...), en grande partie à cause de la résistance ukrainienne, à l'appui des Européens et à l'intransigeance russe. Pourquoi cela marcherait-il cette fois? Zelensky n'est pas si affaibli que cela par l'opération Midas (corruption), les Européens
ne sont pas si mous que cela et disposent de moyens conséquents (qui ne sont malheureusement pas utilisés par manque d'initiative politique, mais bon). Les Russes ne sont pas si forts que cela, ils souffrent aussi beaucoup. Et les USA n'aident plus tant que cela.
Il vaut mieux compter avec leurs armes que sans, et clairement avec leur renseignement que sans. Mais leurs sanctions, si elles affaiblissent la Russie, ne sont pas de nature à aider l'Ukraine dans le temps présent. Aussi, que perdraient l'Ukr et l'Europe à refuser ce plan?
là visiblement il y a une différence dans l’attitude de la Maison blanche qui est revenue à son mode du mois de janvier / février, celui d’une pression maximale sur l’Ukraine
à tel point que Volodymyr Zelensky a publié cette vidéo: À l’instant, Zelensky publie une adresse vidéo, qualifiant le moment de « plus difficile de notre histoire. La pression sur l’Ukraine atteint actuellement son paroxysme. L’Ukraine a à faire un choix crucial: soit perdre sa dignité, soit perdre un allié essentiel.
Soit un plan douloureux, en 28 points, soit un hiver extrêmement dur. Et des risques futurs. » Zelensky ne donne ici aucune réponse et affirme vouloir négocier pied à pied pendant les prochains jours. Mais le message est clair: il remercie deux fois les Européens pour
leur soutien. Pas une seule mention des Etats-Unis, hormis ce risque de perdre "un allié essentiel". On comprend de qui il s'agit, et qui exerce la pression actuellement. Après la dispute du 28 février, Zelensky s'était mis à remercier les USA à chaque détour de phrase.
S'il ne le fait pas ici, s'il a annulé une rencontre avec Witkoff en Turquie, s'il n'a pas encore annoncé de coup de fil avec Trump, c'est que les pressions venues de la Maison blanche a effectivement atteint un paroxysme.
juste avant la publication de la vidéo, il venait de raccrocher avec Vance. Le fait que cette vidéo, enregistrée dans l'après-midi soit publiée juste après l'appel montre que ça s'est mal passé.
