Poutine veut toute l’Ukraine
“Là où un soldat russe pose le pied, cette terre appartient à la Russie”.
L’intention n’est pas surprenante dans la bouche de Vladimir Poutine, qui a déclaré le 20 juin que toute l’Ukraine appartient à la Russie
mais la déclaration est ambitieuse et osée. Elle révèle que la page des négociations lancée par Donald Trump est tout à fait tournée
et que le Kremlin entend bien tirer profit du fait que la Maison blanche ne dissimule pas son scepticisme vis-à-vis de l’Ukraine
et qu’elle est occupée ailleurs, à bombarder les installations d’enrichissement nucléaire en Iran.
Pour l’Ukraine, la séquence diplomatique est extrêmement complexe.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on constate encore une fois les motivations profondes du Kremlin dans son agression de l’Ukraine.
Je sais que tous les regards sont portés vers l’Iran aujourd’hui, après l’entrée en guerre de facto des Etats-Unis
c’est la première guerre lancée par Donald Trump, lui qui voulait être le pacificateur, celui qui finissait les guerres…
qui vivra verra, mais la situation est particulièrement instable, et rien ne dit que cette guerre peut se terminer rapidement.
ni qu’elle entraîne d’autres acteurs, comme les Houtis au Yemen ou la Russie, qui pourrait trouver des moyens asymétriques de soutenir son allié iranien.
Cette guerre au Moyen-orient illustre clairement que Donald Trump ne se soucie plus du tout de l’invasion russe de l’Ukraine
ce qui donne les coudées franches au Kremlin pour continuer sa guerre.
La Russie est évidemment gênée par l’affaiblissement de son allié iranien
mais comme l’essentiel de ses ressources était de toutes les manières investies en Ukraine
et que l’apport technique iranien était relativement faible par rapport à celui de la Corée du nord,
que les Russes ont repris la production de drones Shahed et que l’immense majorité de ces appareils est désormais produite en Russie même
le Kremlin ne va pas être embêté dans un premier temps par l’affaiblissement de l’Iran
Donc face à des Américains distraits et désengagés du dossier, Vladimir Poutine a les coudées franches pour continuer ce qu’il n’a pas arrêté de faire depuis 2022
ses opérations militaires sur le terrain, évidemment
ses frappes aériennes, dans la nuit du 21 au 22 juin sur plusieurs villes, on déplore 4 morts et une quinzaine de blessés,
aujourd’hui 22 juin c’était sur un camp d’entraînement militaire, il y aurait au moins 3 morts et une quinzaine de blessés.
et Vladimir Poutine continue aussi à formuler ses exigences maximalistes.
Donc c’était le 20 juin, il a rappelé sa thèse favorite que les Ukrainiens et les Russes sont un seul et même peuple et qu’à ce titre, toute l’Ukraine appartient à la Russie
et non pas l’inverse, évidemment…
ça rejoint tout ce que Vladimir Poutine assène depuis des années, notamment à travers un long essai de réécriture de l’histoire publié en 2021,
ou dans ses discours fleuve des 21 février et 24 février 2022, quand il a instrumentalisé l’histoire pour prétendre que l’Ukraine avait été créée de toute pièces par Lénine
et que l’Etat n’était qu’une construction artificielle entretenue par les nazis et les occidentaux.
ce qui est évidemment tout à fait faux
On sait aussi que ces longues diatribes historicisantes sont sorties à chaque dirigeant ou représentant étranger qui le rencontre
dernièrement ça a beaucoup marché sur Steve Witkoff l’envoyé spécial de la Maison blanche qui a ressorti beaucoup d’éléments de language du Kremlin
Cette revendication sur l’ensemble de l’Ukraine, comme je l’ai dit, elle est cohérente avec la vision du Kremlin
Est-ce qu’elle passerait par une conquête territoriale brute, ce n’est pas sûr.
Il y a deux jours, Vladimir Poutine a aussi élaboré sur l’idée que partout où un soldat russe pose le pied,
c’est une terre russe, ce qui serait un ancien dicton d’après lui mais qui ne se vérifie pas
les Russes n’ont pas pris possession des champs élysées en 1815 que je sache.
on lui a demandé si l’armée russe allait prendre Soumy, capitale de la région du même nom dans le nord de l’Ukraine,
il a dit que ce n’était pas prévu mais qu’il ne fallait pas l’exclure.
ça, ça rejoint ce que j’ai déjà dit plusieurs fois sur cette chaîne: les russes ne s’arrêteront que là où ils seront forcés de s’arrêter. s’ils peuvent continuer, ils le feront.
Mais s’ils voient un moyen de subjuguer toute l’Ukraine autrement, ça leur ira aussi très bien.
Ce sont les conditions énumérées dans le mémorandum que les Russes ont présenté aux Ukrainiens à Istanbul il y a trois semaines.
mémorandum qui est en fait une liste des conditions d’un accord de capitulation
Les Russes y tiennent beaucoup, étant donné que les Américains ont abandonné les négociations et que les Européens n’ont que timidement essayé de peser dans la balance sans résultat.
Juste avant d’assurer que toute l’Ukraine lui appartenait, Vladimir Poutine assurait qu’il était prêt à rencontrer Volodymyr Zelensky
mais pas pour négocier, plutôt pour discuter des modalités de cette capitulation
et en plus Volodymyr Zelensky ne pourrait rien décider et signer car Vladimir Poutine le considère comme illégitime
Mais toujours est-il que quand Vladimir Poutine se dit ouvert à des pourparlers, même avec le Président ukrainien, c’est sur la base de ses conditions
on sait que les pertes russes sont conséquentes, il y a ce chiffre d’un million de morts et de blessés qui est évoqué, même si moi je m’en méfie parce que ce n’est qu’une estimation
on sait que l’économie russe va mal, et c’est encore la gouverneure de la banque centrale russe Elvira Nabiullina qui l’a répété le 19 juin
mais le Kremlin voit que son armée est toujours à l’offensive sur le terrain
que les Américains ne sont plus dans le jeu, et que les Européens sont impuissants
et le fiasco du dernier G7 était du petit lait pour les Russes, dans cette perspective.
donc il n’y a aucune raison de dévier sa course.
Comment réagit l’Ukraine par rapport à cela?
d’une part en ne déviant pas sa course non plus, l’armée est toujours en position défensive, recule par ci par là face au grignotage russe mais tient globalement la ligne de front de 1200 kilomètres.
On sait que le pays va poursuivre sa résistance face à une menace existentielle, Vladimir Poutine l’a encore rappelé
et résister, ça se fera avec ou sans les Américains.
Mais Volodymyr Zelensky est assez ouvert sur le fait que sans les Américains, ce sera très difficile
et qu’en ce moment, son dialogue avec Washington est assez mal engagé.
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et les demandes répétées pour pouvoir acheter des systèmes de défense anti-aérienne Patriot restent pour l’instant lettre morte.
Donc pour l’Ukraine, c’est une nouvelle séquence difficile, qui s’inscrit dans une phase globalement difficile de la guerre depuis 2023.
La seule consolation dans l’espace médiatique ici, c’est que Vladimir Poutine a rappelé à ceux qui l’avaient oublié sa motivation profonde, et sa négation de l’Ukraine en tant que telle.
Ca donne des arguments à la communication ukrainienne, mais des arguments, ça n’est pas assez pour gagner une guerre.
Merci