Kostiantynivka bientôt russe?

Dans le Donbass, les villes de Kostyantinivka et de Droujkivka seront-elles encore sous contrôle ukrainien d’ici la fin de l’été?

C’est la question qui est sur beaucoup de lèvres ici en Ukraine alors que les opérations de grignotage russe continuent au sud-est

et que l’armée ukrainienne accuse un certain nombre de problèmes qu’elle peine décidément à dénouer.

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on essaie d’envisager ensemble à quoi peut ressembler l’été sur le théâtre d’opération ukrainien

Ici, dans la région, l’été commence le 1er juin, mais comme je suis habitué à marquer le début de la saison le 21 juin, au solstice, et que la météo ne s’est réellement réchauffée que la semaine dernière,

c’est le moment de dresser des perspectives pour la période des offensives estivales.

On n’est pas du tout sur l’échelle du moyen-orient, où les frappes successives déstabilisent une région aussi grande que l’Europe et une dizaine de pays comme on l’a encore vu ce 23 juin au soir

ce matin, Donald Trump annonce un cessez-le-feu, on va voir si ça tient…

en tout cas en Ukraine, on parle bien d’opérations localisées, et d’une avancée limitée des forces russes à l’échelle du pays

mais d’une avancée quand même. Depuis l’automne 2024, les Russes mènent un effort continu

et parviennent à saisir de plus en plus de territoire ukrainien. En mai, ils auraient pris 450 kilomètres carrés de territoire, soit leur meilleure performance depuis le début 2025.

C’est principalement le fait de leurs poussées dans l’oblast de Soumy, après avoir repoussé les Ukrainiens de l’oblast russe de Koursk

Les conquêtes russes au nord de l’oblast sont pour l’instant limitées, le front s’est structuré et les Ukrainiens mènent des contre-offensives localisées

mais d’une part, ça fait que la ville de Soumy est à portée des drones FPV russes, et donc sous une menace croissante,

et d’autre part, ça étire le front qui avant s’étalait sur 900-1000 kilomètres de long, mais qui fait aujourd’hui 1200 kilomètres de long

Que ce soit pour l’un ou l’autre camp, ça tire sur les ressources disponibles

et à ce jeu, on le sait, l’Ukraine est en infériorité par rapport à la Russie, je vais y revenir.

Vu la tournure que prennent les opérations dans l’oblast de Soumy, on n’imagine pas une grosse percée déterminante dans les mois qui viennent,

il en va de même pour les secteurs de Kharkiv, de Kupiansk ou le front sud de Zaporijjia, où les combats sont acharnés mais où les défenses tiennent

là, tous les regards sont portés vers le secteur de Pokrovsk - Kostyantinivka - Drujkivka

puisque c’est là que les évolutions sur le terrain offrent le plus de potentiel de mouvement en faveur des Russes.

Ceux-ci ont constitué ce qui ressemble de plus en plus à une poche qui se referme sur les positions ukrainiennes au sud de la route T0504

ils se sont rapprochés suffisamment pour faire voler des drones FPV sur la ville de Kostyantinivka, comme on le voit sur cette vidéo russe, ça c’est nouveau, et ça illustre le danger qui flotte désormais sur la ville de manière permanente

en plus vous le voyez ici ils bénéficient de positions en hauteur par rapport à Kostyantinivka donc ils ont déjà une capacité de nuisance assez conséquente sur cette ville d’environ 70.000 habitants avant guerre

Pour l’instant, la percée russe depuis l’ouest, le long de la route T0504, est enrayée par les défenses ukrainiennes,

et à l’est, les Russes n’arrivent toujours pas à dépasser les ruines de Tchassiv Yar.

Mais au sud, la conquête de Toretsk est bel et bien achevée,

ces cartes de Deepstate ne le reconnaissent pas mais la ville est bel et bien tombée à part un dernier poste ukrainien autour d’une mine abandonnée au nord de la ville.

si jamais ce dernier bastion tombe, alors les Russes ne seront qu’à 3 kilomètres du lac de Kleban-Buk, un obstacle naturel qui leur permettra de couper en deux la zone tenue par les Ukrainiens

et donc de précariser peu à peu les positions défensives ukrainiennes jusqu’à vider cette poche jusqu’à la route T0504

Ca, ca semble être la première étape. Quant à la suite des opérations, les experts militaires ukrainiens voient deux scénarios:

soit une attaque frontale russe sur Kostyantinivka en remontant le long de la route jusqu’à Kramatorsk

et donc une guérilla urbaine, une lutte pour chaque pâté de maison, en rasant tout sur son passage, comme les Russes savent bien le faire.

soit une manoeuvre en tenaille pour monter directement sur Droujkivka, qui est la deuxième grosse commune de cette conurbation reliant Kostyantinivka, Droujkivka, Kramatorsk et Sloviansk,

avec cette manoeuvre en tenaille, les Russes prendraient plus de volume dans leur opération et plus de territoire

ils fragiliseraient aussi bien plus la structure défensive de la conurbation

et en élargissant leur flanc entre Pokrovsk et Droujkivka, ils arriveraient à reprendre leur manoeuvre de contournement de Pokrovsk et potentiellement à atteindre leur objectif de finalement prendre cette ville

qu’ils n’arrivent pas à prendre en plus de huit mois quand même.

Encore faut-il que l’un de ces deux scénarios se réalise.

Les Ukrainiens tiennent leurs lignes de défense et il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, peut-être que les Russes n’arriveront pas à percer les lignes ukrainiennes.

Mais il y a quand même des éléments qui permettent d’imaginer que la poussée russe va se poursuivre

puisque, bien sûr l’armée russe enregistre de lourdes pertes et connaît ses propres problèmes,

Mais l’armée ukrainienne accuse quand même le coup

on est loin des problèmes colossaux qui avaient émaillé l’automne dernier

mais il reste quand même 4 manquements très structurels auxquels doit faire face l’armée:

le manque d’effectifs, il est bien connu, notamment celui du recrutement et de la formation,

là où les Russes parviennent à recruter beaucoup plus facilement

selon le haut commandement ukrainien, il y aurait 700.000 soldats russes désormais déployés sur les fronts ukrainiens.

le deuxième problème, c’est le manque d’artillerie, malgré la production nationale et le soutien des Européens, les Ukrainiens tirent toujours moins que les Russes

la ahute représentante de l’UE pour la politique étrangère Kaja Kallas a annoncé qu’elle avait déjà récolté 80% des promesses pour collecter 2 millions d’obus d’artillerie pour l’Ukraine en 2025

Mais les obus ne sont pas encore livrés, et visiblement l’UE ne prévoit pas d’en collecter plus.

le troisième problème, c’est un manque de drones, dont ne souffrent pas toutes les unités mais qui se ressent dans plusieurs secteurs du front

même si, comme je l’ai dit dans une précédente vidéo, la densité des drones s’est vraiment accrue au point de constituer un véritable mur le long des lignes de front

mais si les Russes continuent d’avancer, c’est qu’il y a des trous dans la raquette.

Le quatrième problème, c’est le micro-management du haut commandement et plus précisément du commandant en chef des forces armées Oleksandr Syrskiy

qui s’immisce dans des prises de décisions au niveau local, ce qui produit des effets contreproductifs

par exemple sur des fortifications qui auraient du être construites mais qui ne l’ont pas été, ce pour quoi l’Ukraine a payé le prix fort.

Oleksandr Syrskiy est de plus en plus critiqué par des voix dissonantes dans l’armée ou encore par des experts militaires,

ce qui vient rappeler à quel point l’Ukraine est un pays ouvert, où le débat public est toujours vivace.

il est critiqué après l’échec de l’incursion à Koursk, qui s’est traduite en fin de compte par plus de négatif que de positif pour l’Ukraine

il est critiqué pour son manque de considération pour ses troupes

il est aussi critiqué pour son obstination à poursuivre des opérations offensives, même si très localisées, là où une partie de son état-major recommande de passer en défense totale

dernièrement, ça a causé des changements de personnel

on se rappelle du commandant OLeksandr Syrshyn qui a démissionné avec fracas en accusant dans un post sur Facebook le haut commandement d’assigner des missions idiotes qui ont conduit à des pertes insensées dans l’oblast de Koursk

Le général Mikhailo Drapatiy a démissionné de son poste de commandant de l’armée de terre pour être affecté à celui de chef des forces interarmées

Mikhaylo Drapatiy préconisait une attitude purement défensive et s’était heurté à Oleksandr Syrskiy plus d’une fois.

On sait notamment à travers un long récit du New York Times qu’Oleksandr Syrskiy avait déjà un rôle disrupteur, voir contre-productif quand il servait sous l’ex-chef des forces armées Valériy Zaloujniy.

On ne sait pas exactement si le commandant en chef des forces armées va rester à son poste, et s’il est démis, par qui il pourrait être remplacé, et si cela règlerait les problèmes de l’armée ukrainienne.

Mais si on reste sur ces logiques actuelles, Oleksandr Syrskiy a d’ores et déjà intégré comme un fait que les Russes vont chercher à avancer sur l’ensemble des fronts,

avec donc cet espace principal autour de Kostyantinivka et Droujkivka, à regarder de très près

Merci

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