L’Ukraine de retour en grâce à l’OTAN?
Le sommet de l’OTAN qui vient de s’achever à la Haye, aux Pays Bas, devait être un nouveau camouflet diplomatique pour Volodymyr Zelensky et pour l’Ukraine
puisque toute l’organisation du sommet était tournée vers les questions de dépenses et tournaient autour de comment flatter au mieux Donald Trump.
Mais même si l’Ukraine n’était pas au coeur des priorités des deux derniers jours, elle a obtenu un certain nombre de promesses et d’assurances
Alors, faisons un peu le tour.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo qui vient un peu changer la tonalité des précédentes vidéos, puisque j’avais dit et répété que l’Ukraine vivait une période difficile,
que ce soit dans les combats le long des lignes de front, dans les bombardements meurtriers de ses villes ou sur la scène diplomatique
et ça reste vrai. Mais à ce sommet de l’Otan à la Haye, les alliés ont réitéré un soutien marqué à l’Ukraine dans sa lutte contre l’invasion russe.
Comme je l’ai dit, les priorités du sommet avaient été vidées de tout contenu ukrainien, le discussions sur l’Ukraine ne figuraient que dans des réunions annexes, tous les groupes de travail n’étaient réservés qu’aux Etats membres
L’idée était de flatter Donald Trump, en tout cas de ne pas le froisser, tout galvanisé qu’il est après la fin de la guerre des douze jours contre l’Iran
il fallait lui accorder la reconnaissance de l’objectif de dépenses de 5% du PIB, ce qui a été fait malgré les objections de pays comme l’Espagne
afin de s’assurer que les Etats-Unis restent des membres actifs de l’Alliance et qu’ils maintiennent la crédibilité de l’article 5
ce qui a aussi été concédé par Donald Trump qui a assuré que les Etats-Unis resteront avec les alliés jusqu’au bout.
Bon, demain, il dira sans doute autre chose et toutes les flagorneries des Européens n’auront servi à rien mais ça on verra plus tard.
Mais je reviens à l’Ukraine. Dès son discours d’introduction, le secrétaire général Mark Rutte a annoncé que les alliés avaient mobilisé non pas 20 milliards d’euros de soutien comme il le pensait mais 35 milliards en se projetant sur 2026.
il a aussi assuré que les alliés travaillent à des mécanismes de soutien qui pourraient jouer jusqu’en 2035
et ça, ça se fait sans l’administration qui n’ont pas annoncé de nouveaux paquets d’aide depuis janvier.
et qui freinent même la livraison des dernières livraisons qui avaient été décidés par l’administration Biden.
Ca souligne que Donald Trump a réussi son coup de force de faire payer tout le monde sauf les Etats-Unis, encore une victoire pour ses méthodes de promoteur immobilier
mais ça souligne aussi que 31 Etats membres sur 32 sont toujours prêts à soutenir l’Ukraine dans la durée
Mark Rutte a aussi réitéré la vocation de l’Ukraine à rejoindre l’Alliance à un moment donné,
bon, ça, on sait que ça ne vaut pas grand chose mais ça va quand même mieux en le disant, pour réconforter les Ukrainiens j’entends.
Le plus grand moment du point de vue ukrainien ça a été la rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump, qui n’était pas du tout garantie après que le Président américain a snobé l’Ukrainien au G7 au Canada
mais là, non seulement ils se sont rencontrés, mais leur entrevue s’est aussi très bien passée, de l’avis général.
Volodymyr Zelensky a été tout mielleux, et Donald Trump a trouvé qu’il avait été plus gentil que jamais.
Ce qui fait qu’à l’issue de la rencontre, il a expliqué vouloir regarder s’il peut envoyer quelques batteries et missiles Patriot à l’Ukraine
Les Patriot, c’est un des éléments clés de la dépendance ukrainienne à l’assistance américaine,
puisque beaucoup peut être compensé par les Européens, les Canadiens et d’autres pays, je vais y venir,
Mais les Etats-Unis ont le meilleur renseignement au monde, et les meilleures technologies militaires au monde, comme ils l’ont encore démontré contre l’Iran
Il ne s’agit pas de demander aux Américains de faire contre Moscou ce qu’ils ont fait contre Téhéran,
ça, ce serait le scénario idéal pour Kyiv, mais Kyiv n’est pas Jérusalem.
Moscou a un arsenal nucléaire, au contraire de Téhéran
et Donald Trump recherche toujours l’amitié de Vladimir Poutine, au contraire de son absence de relation avec l’ayatollah Khamenei.
Donc il ne s’agit pas de demander cela, Volodymyr Zelensky sait qu’il marche sur des oeufs avec l’administration Trump.
Mais les Patriot, c’est le meilleur système au monde de défense anti-aérienne pour arrêter des missiles balistiques
et on le voit dans les frappes des derniers jours, l’Ukraine en a cruellement besoin. Hier à Dnipro, ce sont 19 morts et plus de 300 blessés après une frappe sur la ville.
Sur le papier, l’Ukraine aimerait demander beaucoup aux Etats-Unis, non plus à travers des donations ou des prêts, mais à travers des achats
d’ailleurs la demande d’achat de Patriot a été formulée il y a plusieurs semaines déjà.
Mais pour l’instant, rien ne s’est concrétisé. Et ce soir, Donald Trump a évoqué la possibilité d’envoyer des Patriot, mais il n’a rien annoncé de concret.
et sans doute qu’il changera d’avis à la prochaine personne à qui il parlera…
Toujours est-il que la rencontre s’est bien passé, et ça vient rassurer les Ukrainiens sur l’état de leur relation avec Washington et Mar a Lago.
Et à part le partage de renseignement et les Patriot qui sont pour l’instant irremplaçables, les Ukrainiens se sont déjà mis à la recherche d’armements alternatifs.
Et lors de ce sommet de l’Otan, les Européens ont été assez déterminés et concrets.
Emmanuel Macron a parlé d’envoyer plus de Mirage 2000, des avions qui ne sont plus de toute première jeunesse et qui ont été produits en petite quantité mais qui font leurs preuves dans le ciel ukrainien depuis qu’un premier lot a été livré au début d’année.
Le Royaume-uni a acheté des munitions pour des systèmes de DCA en se servant de 70 millions de livres sterling d’intérêts dégagés par les actifs russes gelés.
Les Pays-bas investissent 500 millions d’euros pour produire des drones pour l’Ukraine
L’Allemagne, le Danemark, la Norvège, la Lituanie et d’autres pays ont annoncé des investissements communs dans le secteur de la défense ukrainien
notamment dans le cadre d’un nouveau programme “Build with Ukraine” qui consiste à attirer des fonds européens pour construire en Ukraine, avec en échange la possibilité d’exporter des technologies ukrainiennes vers ces pays
à la fois pour partager les innovations des dernières années mais aussi pour assurer des débouchés commerciaux aux productions nationales.
Ces investissements européens s’inscrivent dans les montées en puissances des budgets de la défense dans la plupart des pays du continent, notamment en Allemagne qui a apparemment l’ambition de redevenir la première puissance militaire d’Europe
Le plan européen ReArm de la COmmission européenne de 800 milliards de dollars offre aussi des opportunités de financement qui n’existaient pas il y a encore quelques mois.
Ces programmes évidemment se conjuguent avec l’effort décidé au sein de l’Otan sous pression américaine
et il est un peu difficile de comprendre qui va payer pour quoi, comment, et surtout pour quelle finalité parce que dépenser plus ne veut pas dire dépenser mieux ou avoir des armées plus efficaces.
Mais ce qui est sûr, c’est que l’Ukraine va en bénéficier, de manière directe ou indirecte.
Après, la grande question reste toujours la même: est-ce que cela sera suffisant et suffisamment rapide?
et est-ce que cela va continuer à s’inscrire dans un effort transatlantique pour maintenir la pression sur la Russie, à travers des sanctions primaires et secondaires ou encore à travers un effort conjoint pour réduire les rentrées financières venues des ventes d’hydrocarbures pour la Russie…
Je rappelle que l’Europe, donc les Etats membres et les institutions de l’Union européenne plus le royaume-uni, la Suisse, la Norvège et d’autres pays, ont déboursé 156 milliards d’euros depuis 2022 pour soutenir l’Ukraine
ce sont les chiffres de l’institut de Kiel qui suit l’assistance à l’Ukraine
Dans le même temps, les Etats-membres de l’Union européenne ont versé plus de 210 milliards d’euros à la Russie pour payer pour ses hydrocarbures, donc du pétrole, du gaz naturel et du gaz naturel liquéfié.
et là dessus aussi, les pays européens et les institutions de l’UE bougent, la Commission veut interdire les nouveaux contrats pétroliers et gaziers d’ici à 2026-2027
mais ce n’est pas encore accepté, et ça va prendre du temps pour que ça ait des effets concrets sur l’économie russe qui de son côté s’est déjà diversifiée sur d’autres marchés aussi.
ce qui fait que, pour résumer, l’Ukraine continue de bénéficier d’un soutien européen marqué, qui se restructure dans le contexte du désengagement américain
ce désengagement, il n’est pas immédiat et absolu, mais il est graduel et sectoriel, il y a encore moyen de faire qqc avec les Etats-Unis dans le court-terme
et l’Ukraine peut continuer à manoeuvrer pour obtenir soutien politique, systèmes d’armement et pressions sur la Russie.
Mais on est loin du soutien quasi-inconditionnel de 2022, et on est aussi loin de décisions fermes des Européens qui s’investiraient pour défendre l’espace aérien ukrainien, pour renoncer aux hydrocarbures russes ou pour saisir les actifs gelés russes.
Leur soutien est continue, mais il vient lentement, souvent trop tard, et toujours avec la problématique que les Européens n’ont pas défini leurs buts de guerre. Une non-défaite de l’Ukraine ou sa victoire? Une défaite de la Russie ou sa non-victoire? Pour quelle Europe après?
D’un sommet à l’autre, on a des ressentis en yo-yo et des signaux contradictoires, mais pas beaucoup plus de réponses à ces questions.
Voilà je m’arrête là, merci