75% des Ukrainiens opposés à l’abandon du Donbass
Il y a quelques jours, Donald Trump assurait que 82% des Ukrainiens voulait un accord pour mettre fin à la guerre
et que toute son action était motivée par le désir de sauver des vies humaines
Le président américain n’a pas précisé d’où il tenait cette statistique
et on sait bien qu’il y a d’autres motivations derrière ses efforts diplomatiques, notamment renouer une relation qu’il veut constructive avec la Russie
et faire payer l’Europe en passant.
Mais ce 82% s’inscrit dans une réthorique plus large de la volonté populaire ukrainienne qui ne serait pas respectée,
encore une fois sans préciser par qui,
du besoin d’élections pour décider d’un nouveau Président, voire d’un référendum pour se prononcer sur un accord de paix,
pour éclairer tout cela, un sondage du très fiable institut international de sociologie de Kyiv vient de sortir,
il nous donne pas mal d’indications précieuses,
alors parlons-en.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on parle des négociations de paix sans parler des négociations de paix
comme on le voit, le travail des négociateurs se poursuit
avec tout le train de spéculation et d’incertitudes qui l’accompagne
hier on a vu passer un plan européen pour assurer des garanties de sécurité à l’Ukraine, c’est assez bien étoffé et c’est remarquable de la part des Européens de se prononcer de manière autonome vis-à-vis des Etats-Unis
il y aurait beaucoup de choses à dire mais pour l’instant ça ne vaut pas le coup étant donné que tout reste très fluide.
Un député ukrainien, Yaroslav Jelezniak, a noté ce matin qu’il y avait une dissonance cognitive entre le discours médiatique qui sous-tend qu’il va y avoir une issue positive des négociations
et peut-être un tournant dans cette guerre dans un futur très proche,
et le fait qu’un projet de loi sur l’organisation d’élections en période de guerre et de loi martiale soit parti pour un cycle long d’étude dans un comité parlementaire,
donc pas du tout dans un cycle accéléré
c’est un projet de loi qui est poussé par Volodymyr Zelensky lui-même poussé par Donald Trump lui-même poussé par Vladimir Poutine,
mais donc le fait qu’il soit parti pour une étude approfondie qui va prendre du temps montre que Volodymyr Zelensky et les parlementaires se projettent dans un conflit de longue durée.
Et ça, c’est au diapason de l’opinion publique ukrainienne, qui se dit prête à 63% à vivre dans un climat de guerre aussi longtemps que nécessaire.
en mai c’était 60% et en septembre c’était 62%
donc on voit une constance de l’opinion sur cette question.
Aussi très important: seuls 23% des Ukrainiens estiment que la guerre peut s’arrêter entre maintenant et la mi-2026
43% estiment qu’elle va durer jusqu’à la seconde moitié de 2026 voire déborder en 2027.
ce sondage de l’institut international de sociologie de Kyiv est basé sur un échantillon de 547 personnes représentatifs de la population ukrainienne
l’avantage des études de l’institut c’est leur régularité, qui permettent de comparer les évolutions de l’opinion dans le temps.
on peut en penser ce qu’on peut, surtout en période de guerre, mais au moins c’est plus fiable que les 82% d’Ukrainiens qui voudraient la paix à tout prix que Donald Trump a sorti de son chapeau.
Qu’est-ce qu’on voit d’autre dans ce sondage?
72% des Ukrainiens se dit prêt à accepter un plan qui gèlerait les hostilités le long de la ligne de front actuelle et qui s’accompagnerait de garanties de sécurité.
Comme on le voit, c’est déjà l’acceptation de compromis très difficiles, il faut rappeler que sur les territoires occupés il y a des populations et celles-ci subissent la la répression de l’administration russe
la militarisation de leurs modes de vies et une russification à marche forcée
ça montre aussi que l’opinion publique a évolué sur les concessions à faire, compte tenu de l’évolution du rapport de forces.
Dans le même temps, 75% des personnes interrogées refuse un plan qui prévoirait le retrait des troupes ukrainiennes de ce qu’il reste de l’oblast de Donetsk,
une limitation quelconque à la taille des forces armées ukrainiennes et qui ne prévoirait pas de garanties de sécurité concrètes.
là encore, l’opinion publique est raccord avec les processus en cours puisque l’on voit que ce sont là les points d’achoppement principaux des négociations en cours.
Même si on sait bien que la question territoriale n’est pas au coeur de l’agression russe, c’est bien plus une question politique.
Mais c’est visiblement un point important de cette phase de l’agression russe qui dure depuis 2014: sécuriser des gains territoriaux pour améliorer sa position en vue d’une future offensive dans le futur.
C’est pour cela que la question de la taille de l’armée ukrainienne et des garanties de sécurité sont si cruciales.
Dans le cadre de ces négociations, il est important de s’arrêter sur cette question des élections
qui comme j’ai dit sont vraiment poussées par la Russie et les Etats-Unis
Volodymyr Zelensky a fait là un tour de passe-passe en annonçant qu’il était prêt et en refilant la patate chaude à la fois aux Américains pour qu’ils sécurisent le scrutin
mais aussi aux parlementaires
qui comme je l’ai dit sont en train d’enterrer le projet dans un processus d’évaluation de long terme.
Et c’est normal parce qu’en Ukraine, à part les partis politiques, une majorité d’Ukrainiens ne veut pas d’élections en période de guerre.
et cela, à 57%.
Seulement 9% veut une élection dès maintenant.
ça rejoint aussi le taux de confiance dont bénéficie Volodymyr Zelensky, donc toujours à distinguer la personnalité du président des institutions
61% des Ukrainiens expriment leur confiance envers Volodymyr Zelensky, ce qui est très stable
Le Président a connu une chute de 10 points d’opinions favorables en novembre à cause du fameux scandale de corruption
mais sa côte de confiance est remontée dès début décembre après le limogeage d’Andriy Yermak
et l’intensification des pressions américaines pour des concessions.
donc il n’y a pas de désaveu marqué de Volodymyr Zelensky, au contraire une constance dans le soutien en période de guerre
ce que ça donnera après la guerre, on verra,
On voit aussi qu’il y a une confiance marquée envers la lutte contre la corruption, à 59%, c’est important après tout ce scandale qui n’en finit pas.
Encore un dernier indicateur, le taux de confiance envers les Etats-Unis s’est effondré d’une année sur l’autre
il était de 41% en décembre 2024, il n’est plus que de 21%
envers l’Otan il était de 43% il n’est plus que de 34%
l’Union européenne monte en puissance par contre, avec 49% de confiance.
Donc voilà, dans cette période troublée, ce sondage nous en dit pas mal sur l’état de l’opinion publique ukrainienne
une opinion informée et sensible aux enjeux diplomatiques
qui est prête à des compromis mais pas à n’importe quel prix
qui est prête à endurer cet état de guerre aussi longtemps que nécessaire
et qui refuse l’organisation d’élections en période de guerre, malgré les pressions de l’étranger qui veulent faire croire qu’elles parlent au nom des Ukrainiens et qu’elles veulent leur rendre leur liberté de choix.
Les Ukrainiens disent non merci et face à la volatilité de l’administration trump sur les conditions d’une sortie de conflit, et encore plus face à la guerre existentielle que leur mène la russie, ils affichent une constance assez remarquable.
Merci!