Le mur de drones est prêt

Le 3 mai, un drone maritime ukrainien Magura V5 a abattu 2 chasseurs russes Sukhoi-30 dans la mer noire aux alentours de Novorossisk

C’était une première dans l’histoire, et j’ai envie de dire c’est une nouvelle première dans l’histoire militaire, puisque ce conflit révolutionne l’art de la guerre.

En l’occurrence, les Sukhoi 30 coûtent environ 50 millions de dollars

alors que les Magura sont estimés à 250k pièce.

Ca vous donne une idée de la nature de cette guerre asymétrique et des nouvelles réalités militaires,

les Français en font aussi l’expérience en mer Rouge, où ils doivent répondre aux attaques de drones des Houtis à quelques milliers d’euros par des tirs de missiles de plusieurs millions d’euros

Au-delà de cette accroche d’actualité, je voulais revenir dans cette vidéo sur le rôle des drones, donc aériens, sur la manière dont le front ukrainien se gèle actuellement

sur le front, sur une zone d’environ 15-20 kilomètres de large, on parle maintenant d’un mur de drones

qui complique les perspectives de nouvelle offensive cet été, que ce soit d’un côté ou de l’autre.

Alors, parlons-en.

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on fait un point sur l’accélération des développements technologiques

Les drones, on a vraiment commencé à les voir en action dans la guerre du Haut Karabakh en 2020, puis en Syrie, et dès le début de l’invasion généralisée de l’Ukraine par la Russie en 2022, ils sont devenus incontournables

mais en 2025, on ne pratique plus du tout la guerre de la manière dont on le faisait en 2022.

Aujourd’hui les drones ont pris une telle place que les avions de chasse sont vulnérables, comme je l’ai rappelé, ils n’ont plus la suprématie des airs,

sur le terrain, les gros assauts mécanisés n’ont presque plus de sens, ce qui est une révolution depuis l’entrée en action des chars, en 1915.

Ce qui fait que ces derniers mois, on a vu les Russes, qui sont ceux qui sont à l’offensive, opérer par des attaques en petits groupes, soit à pied, soit lancés sur des motos, pour tenter d’aller vite et droit au but.

ça a produit des résultats mitigés, mais quand même des résultats, les Russes continuent de grapiller du terrain même si bien moins rapidement qu’à la fin 2024

Les Ukrainiens qui sont sur la défensive ont eux épaissi leur couverture de drones

on se rappelle que la production de drones c’est beaucoup passé par des innovations dans des garages, par des petits groupes isolés et indépendants, c’était moment Silicon Valley en 2022-2023,

mais maintenant l’Ukraine est passée à une production à grande échelle, on parle de 2 millions de drones par an.

95% des drones utilisés sur le front sont de fabrication ukrainienne, contre 20-30% en 2022.

Les Russes aussi produisent à grande échelle, ils ont plus de moyens et leurs drones sont tout aussi performants,

mais comme les Russes sont à l’offensive et les Ukrainiens sur la défensive, l’usage n’est pas le même.

Alors que l’on parle d’une nouvelle offensive russe à la belle saison 2025, c’est-à-dire maintenant,

les Ukrainiens ont établi un mur de drones sur une profondeur d’environ 15 kilomètres, avec des dizaines d’appareils en permanence dans les airs, qui détectent tout mouvement, et se ruent sur la première unité qui tente de passer.

On a même des témoignages de soldats ukrainiens indiquant que certains tranchées ne sont plus du tout tenues par des hommes, mais plutôt défendues par des drones.

Ce qui soulage beaucoup les forces armées qui sont en manque chronique de soldats, on le sait.

et qui permet d’établir une solide ligne de défense, ça c’est aussi conforté par le travail de fortifications que les Ukrainiens effectuent depuis de nombreux mois.

Les fortigications se sont aussi adaptées d’ailleurs, parce que ça ne sert plus à rien d’avoir des tranchées ouvertes aux quatre vents, avec les drones ce n’est plus sécurisé,

alors les réseaux de tranchées maintenant doivent automatiquement avoir des abris très bien protégés et à distance rapprochée les uns des autres.

J’utilise les cartes de Clément Molin, vous pouvez aussi suivre son travail sur X

Donc concrètement ça veut dire qu’il y a quelques années encore, on allait sur le front en respectant un certain nombre de codes,

J’allais sur le front assez régulièrement pendant la guerre du Donbass par exemple.

il fallait savoir quelle heure de la journée c’était, quel endroit, quel risque, faire attention aux bruits de l’artillerie

là aujourd’hui, on va de moins en moins sur le front, dans cette zone de 15 kilomètres, parce qu’on ne sait juste pas ce qui va voler au-dessus de nos têtes.

De plus en plus de routes d’accès sont couvertes de filets de pêche et de camouflage pour que les véhicules ne se fassent pas cibler en pleine course

et pour être honnête j’ai du mal à conceptualiser comment un côté ou l’autre peut relancer une guerre de mouvement dans ces conditions.

il y a toujours la possibilité d’utiliser des armes de guerre électronique pour brouiller les drones mais maintenant on a des drones reliés à leur pilote par fibre optique, justement pour éviter les brouillages,

ça c’est une innovation russe, que les Ukrainiens ont vite adopté.

Le constat de l’évolution inédite du front, il est fait par un tous les experts militaires, et l’ancien commandant en chef de l’armée ukrainienne Valeriy Zaloujniy est très prolixe sur la question

Pour lui, la manière dont on pense la guerre au sein de l’Otan par exemple est complètement dépassée,

si un conflit de haute intensité éclate, les armées européennes seront mises sur la touche.

Il parle des blindés, mais aussi des missiles de haute précision qui ne sont plus aussi efficaces qu’avant à cause des moyens de la guerre électronique.

Dans la défense anti-aérienne, à quoi ça sert d’avoir des missiles qui coûtent des millions pour faire face à des essaims de dizaines, voire de centaines de drones pas chers?

Là-dessus, les Ukrainiens ont développé des drones qui interceptent des drones, comme vous le voyez ici.

C’est une excellente démonstration de la guerre asymétrique et plus généralement des transformations de l’art de la guerre.

Le facteur humain reste clé, les drones pilotés par l’intelligence artificielle ne produisent pas les mêmes résultats car ils ne sont pas très flexibles s’il faut suivre une cible dans la forêt par exemple.

Mais même si l’humain reste important, on assiste à la multiplication, jusqu’à saturation, d’engins automatisés sur la ligne de front.

et si on extrapole au-delà de cette ligne de front, on voit que les armées européennes prennent peu à peu conscience de ces transformations.

Les Ukrainiens allaient en Europe pour être formés par les militaires de l’Otan? Là, ils viennent les former au maniement des drones.

la marine française est aussi en train de mettre au point ses premiers drones maritimes qui sont clairement d’inspiration ukrainienne

là vous voyez sur cette vidéo un test du projet Seaquest-S lancé en 2024

ce qui montre à quel point les évolutions nées de la guerre russe en Ukraine impactent l’art de la guerre à travers le monde

ce qui aura sans doute, comme après tous les conflits, des applications civiles, mais on n’y est pas encore.

Voilà je m’arrête là, quand on parle de l’offensive russe de cet été, il faut vraiment avoir ça en tête: les drones, ça a tout changé, et la guerre n’est plus la même qu’en 2022.

Merci

Previous
Previous

Un MAGA Président de Roumanie?

Next
Next

Repenser la Crimée