Le sort des enfants kidnappés dans les négociations

On suit pratiquement minute par minute la nouvelle séquence diplomatique initiée par Donald Trump

et qui pourrait ou pas déboucher sur une cessation de la guerre d’invasion russe contre l’Ukraine.

Mais au-delà des questions strictement militaires et territoriales, qui sont au coeur des tractations actuelles,

il y a beaucoup d’autres sujets qui figurent sur la liste de ce que les Russes appellent les raisons profondes de la guerre:

Vladimir Poutine a bien parlé de la langue et de l’Eglise à Donald Trump

Mais il a oublié un sujet crucial pour les Ukrainiens: les enfants ukrainiens kidnappés par la Russie

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on tente de prendre un peu de distance vis-à-vis de l’actualité trépidante de cette séquence diplomatique

après l’accueil royal réservé par Donald Trump à Vladimir Poutine en Alaska vendredi 15 août, Volodymyr Zelensky est à bruxelles ce dimanche 17 août et il sera à Washington lundi 18 août

on parle déjà d’un sommet tripartite Ukraine-Russie-Etats-Unis pour ce vendredi 22 août

Ce lundi, Volodymyr Zelensky ne sera sans doute pas aussi bien reçu que Vladimir Poutine mais il y a des chances que l’administration Trump ne lui tende pas le type de traquenard qu’à la fin février

car cette fois-ci Volodymyr Zelensky sera accompagné d’une ribambelle de dirigeants européens

Emmanuel Macron, Friedrich Merz, Georgia Meloni, le Finlandais Alexander Stubb, Ursula von der Leyen et Mark Rutte le secrétaire général de l’Otan

L’idée officielle c’est de dégager une position commune

mais surtout d’opposer un front européen uni face aux Etats-Unis. Les Européens et les Ukrainiens ont compris que Donald Trump est trop volatile et qu’en passant d’une demande de cessez-le-feu à une demande d’accord de paix global

donald Trump s’est tout simplement fait retourner par Vladimir Poutine qui lui a proposé une vision du règlement du conflit qui lui convient, c’est à dire continuer à mettre la pression militairement pendant des négociations

ça, c’est la méthode Gromiko, j’en ai déjà parlé plusieurs fois: faire des demandes maximalistes, ne rien lâcher puisqu’il y aura toujours un Européen ou un Américain pour lâcher avant, et négocier avec une méthode d’ultimatum en l’occurrence en accroissant la pression sur le champ de bataille

Les Européens veulent présenter un front uni avec les Ukrainiens car ils sentent que l’union transatlantique n’est plus ce qu’elle a été ces 80 dernières années

et il faut maintenant penser en tant qu’européen.

Après, d’ici à ce que ça produise des résultats, d’ici à ce que les Européens s’imposent entre Donald Trump et Vladimir Poutine, d’ici à ce que les Européens prennent des initiatives de leur propre chef sans avoir à consulter la Maison blanche, on n’y est pas encore…

Mais en tous les cas, quelque chose se passe. Après la période de janvier à mai où Donald Trump a voulu imposer un cessez-le-feu en minorant l’Ukraine et en faisant énormément de cadeaux à la Russie

il y a eu une période de flottement, où les Etats-Unis ont fait mine de se désengager

puis une période d’annonces positives pour l’Ukraine, de rencontres productives entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, de signatures de contrats de vente d’armes et de menaces de droits de douane et de sanctions sur la Russie et ses partenaires.

et maintenant on est dans une nouvelle phase d’activisme de Donald Trump pour tenter de mettre fin à cette guerre.

Pourquoi ces revirements chez l’Américain? Peut-être qu’il a été inspiré par ses succès, réels ou fantasmés, dans les médiations entre l’Inde et le Pakistan, entre le Congo et le Rwanda et entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

Peut-être qu’il est heureux des résultats obtenus par sa politique commerciale

peut-être aussi qu’il voit que la date limite de sélection du prix Nobel de la paix, qui est en général annoncé en octobre. Le temps passe

quoiqu’il en soit, Donald Trump est actif, et le grand enjeu du moment c’est de comprendre s’il se fait le simple porte-parole des exigences russes ou s’il est prêt à faire pression sur le Kremlin pour défendre un tant soit peu les intérêts ukrainiens, et donc européens.

Jusqu’ici, ça a plutôt l’air d’être la première option: Donald Trump n’a clairement pas envie de faire pression sur la Russie, peut-être pour tenter de la découpler de la Chine et sans aucun doute par connivence idéologique avec Vladimir Poutine.

Face aux circonvolutions de Donald Trump et aux hésitations des Européens, Volodymyr Zelensky tente de sauvegarder ce qu’il peut. Il se montre flexible et prêt à négocier, mais en multipliant les lignes rouges.

Celui qui est vraiment inflexible, c’est Vladimir Poutine.

La liste de conditions qu’il a présenté pour mettre fin à sa guerre, en tout cas à cette séquence de sa guerre ressemble beaucoup à ses exigences de 2022:

le contrôle total des oblasts de Donetsk et Louhansk, ce qui implique que les Ukrainiens se retirent des zones de l’oblast de Donetsk que la Russie n’a pas occupé jusqu’à présent

et ça, c’est en échange de l’abandon des prétentions russes sur les parties des oblasts de Kherson et Zaporijjia que la Russie n’a pas contrôlé ou qu’elle a perdu en 2022

ce qui est assez osé de la part des Russes, genre vous acceptez que l’on vous annexe une région pour que l’on renonce à envahir une autre région que de toutes les manières on n’a pas réussi à conquérir…

Vladimir Poutine demande aussi la reconnaissance de la souveraineté russe sur la Crimée, la levée des sanctions, la promesse que l’Ukraine ne rejoindra pas l’Otan

un statut officiel pour la langue russe et la fin des pressions sur l’Eglise orthodoxe russe

sur l’Eglise, j’ai déjà fait une vidéo, il faudrait vraiment que j’enregistre une vidéo sur les langues.

mais donc comme je le disais dans l’introduction, il y a beaucoup de choses que la Russie ne semble pas considérer comme des conditions de sortie de conflit, comme les réparations de guerre, la poursuite des criminels de guerre, le sort des millions d’Ukrainiens en territoire occupés

ou encore celui des enfants kidnappés.

et c’est majeur, puisque c’est sur cette question et pas sur une autre que la cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt à l’encontre du Président russe et de la responsable du sort de ces mineurs et de leur distribution, Maria Lvova-Belova

Le chiffre auquel on se réfère habituellement, c’est environ 20.000 enfants ukrainiens qui ont été emportés en Russie et placés pour être adoptés

ça peut être plus, ça peut être moins, et pour être honnête, il faut dissocier les cas de kidnapping pur et simple des malheurs de la guerre, des enfants qui ont perdu leurs parents, leurs proches, leurs maisons,

dans tous les conflits, des vies sont brisées, des familles sont séparées et éclatées,

et si certains orphelins ont effectivement pu être pris en charge après avoir tout perdu, tant mieux pour eux.

Mais c’est le phénomène global de déplacement systématique, le déni russe et l’entreprise de russification de ces enfants par les autorités qui pose question

et qui a justifié ces mandats d’arrêt internationaux. Encore une fois, pas une autre question, liée aux massacres de Boutcha ou à un crime d’écocide, mais bien le kidnapping d’enfants.

Il y a dix jours, la question est revenue sur le devant de la scène à travers la publication d’un catalogue de 294 enfants offerts à l’adoption par les autorités de la république auto-proclamée de Louhansk.

On parle d’une base de données en accès libre, qui décrit les caractéristiques physiques des enfants, la couleur de leurs yeux, de leurs cheveux, avec leurs photos.

On décrit aussi leur tempérament, par exemple obéissant, calme, ou rebelle.

C’est visiblement une tentative des autorités russes de relancer un mouvement en faveur d’adoption, qui s’est ralenti ces derniers temps

mais le fait que le catalogue soit en accès libre expose ces enfants à toute sorte de profils mal intentionnés qui peuvent chercher à en abuser.

Parmi les risques, on pense évidemment à l’exploitation sexuelle, à différents trafics, mais aussi à des changements forcés d’identité.

Après que le site internet a gagné une certaine publicité, il y a une dizaine de jours, les autorités russes ont enlevé la plupart des photos des enfants

mais le mal est fait, et cela révèle les méthodes systémiques pour faire adopter et russifier des enfants ukrainiens.

Le fait que les Russes ont enlevé les photos des enfants montrent qu’ils se soucient des critiques, qui peuvent constituer autant de preuves auprès de la justice internationale

non pas qu’ils s’en préoccupent, apparemment la délégation russe s’en est même moqué lors des récentes négociations à Istanbul, en minimisant cette question comme un spectacle pour les vieilles européennes larmoyantes

Pourtant, c’est une Américaien pas connue pour être larmoyante qui s’est saisie du dossier, Melania Trump, la first lady, qui a adressé une lettre à Vladimir poutine que son mari lui a transmis en Alaska

pour l’inviter à se soucier du sort des enfants

Melania Trump ne mentionne pas les enfants ukrainiens, ni même la guerre, mais il est clair que c’est à cela qu’elle fait référence.

voilà qui peut peut-être peser sur la manière dont donald Trump dialogue avec Vladimir Poutine

Donald Trump avait déjà plaisanté sur le fait que son épouse l’informait des bombardements russes sur les villes ukrainiennes et que cela ne lui plaisait pas.

donc c’est un mode de pression comme un autre.

de là à ce que ça soit inclus dans un hypothétique accord de paix, ça reste à voir. Mais la question est majeure, et elle montre que la Russie n’est pas la seule à avoir des exigences, loin de là.

On suivra tous ces développements

Merci!

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