Les Européens font du surplace
Volodymyr Zelensky ne portait pas de costume cravate hier lors de sa visite à la maison blanche,
pourtant il n’y a pas eu d’esclandre dans le bureau ovale, et la question de l’hbit du président ukrainien a même fait l’objet d’une plaisanterie qui a fait beaucoup rire Donald Trump.
De manière générale, la tonalité de la journée à la maison blanche était très positive, enjouée même, et teintée d’espoir d’une série d’avancées pour mettre fin à la guerre russe contre l’Ukraine.
Mais les questions sont quand même nombreuses, notamment de savoir si les Européens ne font pas du sur place, à tenter de rétablir une entente transatlantique qui existait il y a encore sept mois de ça
et s’ils ne pourraient pas faire plus, plutôt que d’attendre, comme hier soir, que Donald Trump soit de bonne humeur.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on se pose aussi la question de savoir quelle est la validité de ces séquences politiques et diplomatiques ultra-médiatisées face à la détermination de la Russie, dont les objectifs stratégiques n’ont pas bougé d’un iota?
La première chose, c’est le fait que ce genre d’évènement soit ultra-médiatisée nous offre des beaux moments de télévision
Dans le bureau ovale, le journaliste et compagnon de l’extravagante personnalité MAGA Marjorie Taylor Green a félicité Volodymyr Zelensky sur son costume, qui n’était pas un trois pièces cravate mais une chemise noire avec veste noire
Zelensky lui a répondu.
on a aussi vu Donald Trump plaisanter sur le fait que l’Ukraine n’organise plus d’élections en régime de loi martiale
ah bon, si on a une guerre dans trois ans et demie, alors on n’aura pas besoin d’élection aux Etats-Unis, a rigolé Donald Trump?
Volodymyr Zelensky lui a emboité le pas en lui faisant remarquer que le président américain aimait l’idée
franchement c’était un peu dérangeant, mais globalement, la visite du président ukrainien a été un succès qui a effacé l’humiliation de la dispute du 28 février
d’ailleurs le vice-présidence JD Vance n’est pas intervenu, ce qui a je pense facilité les échanges.
Mais globalement, qu’est-ce qu’il est ressorti des échanges?
Cette entrevue entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky dans le bureau ovale a été suivie d’une réunion avec l’escorte de leaders européens qui avaient accompagné Volodymyr Zelensky
puis de négociations à huis clos, entrecoupées par un appel de Donald Trump à Vladimir Poutine.
Et bien en gros, les Européens et les Américains ont décidé de discuter.
d’abord sur les questions de garantie de sécurité, qui doivent reposer sur une armée ukrainienne solide, composée en permanence de plusieurs centaines de milliers d’hommes, soutenue par les Européens
et complétée par des forces de réassurance sur terre, sur mer et dans les airs.
Ces garanties de sécurité, elles doivent être décidées en coordination avec les Américains
ce qui n’était pas le cas ces derniers mois, les Américains voulaient laisser les Européens se débrouiller seuls.
deuxièmement, il a été décidé d’organiser des rencontres tout azimut: entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky d’ici la fin août, en trilatéral avec Donald Trump après,
et ensuite en quadrilatéral avec les Européens, pourquoi pas,
et des rencontres avec les Turcs aussi, très engagés dans les questions de sécurité dans la mer Noire.
Tout ça c’est très bien et ça a été résumé par une formule d’Emmanuel Macron:
on a consolidé une unité ukraino-européenne et on a établi une convergence entre l’Europe et les Etats-Unis.
Emmanuel Macron parle de convergence, alors qu’il y a quelques jours on décrivait la connivence de Donald Trump avec Vladimir Poutine, c’est intéressant de souligner la différence entre les deux relations.
les Européens, et les Ukrainiens aussi, moulinent depuis janvier pour rétablir un semblant de l’alliance transatlantique qui a prévalu pendant 80 ans
et on peut les comprendre: l’Europe est très dépendante technologiquement des Américains et s’assurer le soutien de la première puissance mondiale, c’est mieux.
Mais l’impression globale qui ressort de ces efforts, c’est du sur-place, c’est travailler à revenir à une situation antérieure, sans chercher à assurer son autonomie stratégique dans un monde mouvant.
Et oui, des garanties de sécurité et une force de réassurance c’est plus solide, plus robuste avec les Etats-Unis
Mais cette coalition des volontaires qui réunit aujourd’hui une trentaine de pays a d’autres outils à disposition, par exemple ce plan Sky Shield pour assurer la défense aérienne d’une partie de l’Ukraine
l’énergie, avec tout le gaz naturel que les pays européens dont la France achètent à la Russie
ou encore la question des actifs russes gelés qui peuvent être mis dans la balance pour tenter de faire pression sur la Russie.
En plus de cela, il y a un manquement conceptuel dans la manière dont la force de réassurance est pensée et présentée, c’est qu’elle ne serait déployée qu’après la fin des hostilités.
les Européens expriment clairement leur refus de combattre
ce qui encore une fois se comprend, personne n’a envie de se confronter directement à la Russie,
mais afficher dès le début son refus de voir sa force de réassurance prendre part à des combats, c’est miner littéralement sa crédibilité.
on peut imaginer qu’au premier coup de canon, le contingent européen plierait bagage.
Et donc c’est très bien, mais j’ai vraiment l’impression que les Européens pourraient faire plus.
et ça c’est ce qu’on dit depuis 2014, depuis le début de la guerre: les Européens s’engagent aux côtés de l’Ukraine, c’est très bien, très noble,
mais si la guerre dure depuis plus de 11 ans, c’est que ce n’est pas suffisant.
Donc, qu’est-ce qui se dégage de cette rencontre à la maison blanche: un accord sur des discussions futures
les questions territoriales n’ont pas été discutées, elles sont apparemment réservées pour la rencontre entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine si elle aura lieu
et le plus concret de cette réunion, selon le financial times, c’est que les Ukrainiens auraient fait la promesse d’un achat d’armes américaines pour une valeur de 100 milliards de dollars
ce qui est colossal, ça représente un an d’aide internationale à l’Ukraine
mais c’est ce qui permettrait d’arrimer Donald Trump à cette question des garanties de sécurité
cet achat d’armes américaines serait compensé, toujours selon le Financial times, par une coopération industrielle ukraino-américaine pour fabriquer des drones ukrainiens pour les Etats-Unis
et ça, ça serait une joint-venture qui représenterait 50 milliards de dollars.
ça, si c’est confirmé, c’est très concret, bien plus que le deal sur les minerais.
et ça serait le résultat le plus important de cette rencontre d’hier, parce que, comme j’ai dit en introduction, tout ce qui a été discuté peut tout à fait rester lettre morte car tout dépend de la Russie
qu’est-ce qui indique que la Russie soit prête à des compromis, des concessions, ou tout simplement prête à une discussion avec les Ukrainiens qui ne porte pas sur leur capitulation mais sur les conditions d’une paix juste et durable?
en l’état, rien d’autre que la croyance naïve de donald Trump.
hier, un micro égaré à la maison blanche a surpris une conversation entre le président américain et Emmanuel Macron:
il lui a dit: aussi fou que ça puisse paraître, Poutine veut faire un deal pour moi
Donald Trump semble persuadé, et sans doute que Vladimir Poutine l’a persuadé, que c’est sa personne et le simple fait de son existence qui peut convaincre le Kremlin d’interrompre sa guerre d’agression.
C’est vraiment ténu comme base pour lancer un effort diplomatique
rien n’indique que Vladimir Poutine veuille rencontrer Volodymyr Zelensky. Le chef du Kremlin a déjà dit que l’Ukrainien peut participer aux négociations mais qu’il ne sera pas en mesure de signer quoi que ce soit parce qu’il ne le considère plus comme un président légitime
quant à s’abaisser pour le rencontrer en personne, il y a un gouffre.
et si la rencontre a lieu, qui dit que les Russes arriveront avec une offre que les Ukrainiens pourraient accepter?
toutes leurs exigences depuis 2022 sont inacceptables pour l’immense majorité des Ukrainiens, quelles soient territoriales, militaires, politiques, religieuses, ou linguistiques.
Emmanuel Macron parle de garanties de sécurité basée sur la permanence d’une armée ukrainienne puissante: ça ne rentre pas du tout dans la lignée des demandes russes de démilitarisation.
et donc il est tout à fait possible que toutes ces discussions ne débouchent encore une fois sur rien de vraiment concret.
et il reste tout à fait possible que Vladimir Poutine a conditionné Donald Trump pour penser que ce serait Volodymyr Zelensky le responsable de cet échec, parce qu’il ne voudrait pas abandonner une partie de son territoire ou démilitariser.
Si jamais ça ne débouche pas, les Européens martèlent qu’il faudra accroître la pression sur la Russie, et ils comptent sur les Etats-Unis pour ça.
Certes.
Mais à un moment donné, il faudra aussi que les Européens prennent leurs propres initiatives face à la Russie, sans attendre le bon vouloir de Washington…