Une route vitale de Pokrovsk coupée
Dans l’est de l’Ukraine, comme ailleurs sur les lignes de front, les combats ne se sont pas arrêtés entre le 8 et le 11 mai,
malgré le cessez-le-feu unilatéral décidé par Vladimir Poutine.
Et entre Pokrovsk et Kostyantinivka, les Russes ont continué à exploiter une percée le long d’une route stratégique
qui leur donne un avantage considérable et qui nous donne une idée des opérations à venir pendant la saison chaude et sèche.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où je fais un point que je voulais faire depuis quelques jours sur la situation autour de Pokrovsk
Il y a deux phénomènes en simultané: d’abord le renforcement des défenses de Pokrovsk qui a stoppé l’avancée russe sur la ville et les manoeuvres de contournement
ce qui a poussé les Russes à privilégier des attaques sur les flancs et à progresser sur Kostyantinivka.
J’enregistre cette vidéo en étant bien conscient de la séquence diplomatique qui se déroule, dans l’attente de la journée de jeudi en Turquie
Volodymyr Zelensky rencontrera Recep Tayip Erdogan, et les deux voleront à Istanbul si Vladimir Poutine décide de s’y rendre,
vous me suivez, vous savez ce que j’en pense, Vladimir Poutine ne viendra pas,
et donc Donald Trump qui est actuellement en Arabie saoudite ne viendra pas non plus
et tout ça devrait se terminer par un non-évènement, et ensuite on repartira sur les discussions sur des sanctions supplémentaires, avec ou sans les Américains, tout en tentant de relancer des négociations
et de s’imaginer que Vladimir Poutine est intéressé par la paix, ce qui ne sera pas le cas tant qu’il n’aura pas obtenu une capitulation de l’Ukraine.
Une des manières d’y arriver, c’est de continuer ses opérations sur le terrain militaire,
les progressions russes étaient impressionnantes dans le sud-est de l’Ukraine à l’automne 2024, elles ont fortement ralenti au premier trimestre 2025, totalisant quelque chose comme 700 kilomètres carré.
A titre de comparaison, 700 kilomètres carré, c’est ce que la Russie avait occupé pendant le seul mois de novembre 2024.
Parmi les raisons, on identifie pas un épuisement mais un étirement de l’effort offensif russe, c’est difficile d’être à l’offensive pendant des mois d’affilée, ça demande beaucoup de ressources.
La météo hivernale, évidemment,
mais aussi, côté ukrainien, le travail efficace du nouveau chef du groupe Khortytsia, le groupe opérationnel-stratégique qui coordonne la défense du sud-est de l’Ukraine.
C’est Mikhaylo Drapatiy, j’en avais déjà parlé dans une précédente vidéo
Il a intensivement travaillé à la coordination des unités, au renforcement des fortifications, à l’équipement équitable des unités en drones et autres équipement
ce qui fait qu’on a cette statistique d’experts en OSINT: en automne, il fallait en moyenne 17 assauts russes pour prendre un kilomètre carré,
en mars 2025, il en fallait 36, donc le double d’assauts.
On peut s’imaginer les pertes qui vont avec, en plus dans une contexte où la ligne de front est saturée de drones.
Mikhaylo Drapatiy a coordonné quelques contre-offensives locales, qui ont permis d’arrêter les avancées russes
alors qu’il y a quelques mois on voyait des groupes de reconnaissance russes dans la ville même de Pokrovsk.
Et ces contre-offensives locales ont permis de stopper la manoeuvre d’encerclement de la ville par l’ouest.
Ce qui fait que les Russes sont partis dans d’autres directions.
A l’ouest, ils continuent d’avancer vers la frontière administrative de l’oblast de Dnipropetrovsk
S’ils atteignent la ligne de démarcation ça ne leur donnera aucun avantage stratégique mais ça sera très symbolique.
puisque l’oblast n’a pas été concerné directement par la guerre depuis 2014, à part des bombardements aériens meurtriers sur des cibles militaires et civiles
Les Russes se rapprochent donc, et longent la route Donetsk - Zaporijia, ce qui peut leur permettre à terme de conquérir ce qui reste du sud de l’oblast de Donetsk.
Mais il ne s’agit que de champs et de steppes, donc cette conquête n’apportera pas les mêmes avantages qu’une prise de Pokrovsk.
je rappelle que c’est une plateforme logistique et un carrefour routier et ferroviaire, donc très important à l’échelle de la région.
et ça va prendre un certain temps pour arriver à des résultats, à supposer que la tendance des avancées continue comme ça.
Mais la grande nouveauté de ces derniers jours, elle est à l’est de Pokrovsk, puisque les Russes ont réalisé une percée le long de la route T-0504
On le voit très bien sur cette chronologie des cartes de Deepstate, ça a été une percée dans les premiers jours de mai
et effectivement, la route n’est plus utilisable par les Ukrainiens qui doivent maintenant faire de gros détours pour relier Kostyantinivka et Pokrovsk.
Les Russes ont déjà franchi la route, on a des combats dans le village de Nova Poltavka
et le long de cette route, ils remontent sur Kostyantinivka, qui est le début de l’agglomération qui la relie à Droujkivka, Kramatorsk et Sloviansk.
Les Ukrainiens tiennent encore autour de Toretsk et de Tchasiv Yar mais leurs positions sont de plus en plus précaires
et avec les Russes qui remontent le long de cette route, tout cela va commencer à ressembler à une poche.
Donc si on se projette sur ce que peuvent être les opérations russes dans la région, on peut se dire qu’ils peuvent arriver à prendre cette masse de terrain à l’ouest,
à vider cette partie ukrainienne à l’est, et donc à finaliser les captures de Toretsk et de Tchasiv Yar,
et à établir une ligne continue entre les villes fortifiées de Pokrvosk et Kostyantinivka.
Kostyantinivka et les villes au nord sont extrêmement denses et lourdement fortifiées, donc il n’est pas du tout dit que les Russes arrivent à y pénétrer avant la fin de l’été.
Et même si le scénario que je viens de dérouler se réalise, il faut voir que ce sont des objectifs par défaut, l’objectif stratégique de premier ordre dans la région c’est Pokrovsk
De la même manière, les russes poussent pour établir un périmètre dans la boucle de la rivière Oskil au nord,
mais depuis des mois ils n’ont aucun succès autour de Lyman et de Koupiansk.
Donc rien n’est écrit.
Les Russes continuent d’avancer, mais les Ukrainiens fortifient, épaississent leur mur de drones, améliorent la coordination de leurs troupes, Mikhaylo Drapatiy est un profil qu’il faut suivre avec attention.
Mais voilà, selon l’Institute for the study of war, si les Russes continuent à ce rythme, il leur faudra 83 ans pour occuper les 80% du reste de l’Ukraine. 83 ans.
Ca paraît irréel, et ca ne colle pas du tout à l’instantanéité de l’information, de la vision trumpienne d’une résolution rapide du conflit.
Mais j’aime bien rappeler que Vladimir Poutine se réfère aux grandes figures de l’histoire impériale russe, par exemple Pierre Ier et Catherine II
Le premier a mené entre 1708 et 1709 une première annexion de l’Ukraine des cosaques dans le cadre de la grande guerre contre la Suède
Et la deuxième a achevé la conquête des terres ukrainiennes en 1783 en annexant la Crimée
et entre les deux, il y a effectivement plusieurs décennies.
Poutine joue pour l’histoire et il n’y a aucune raison de croire qu’il va s’arrêter, ou qu’il ne va pas tout faire pour que ses successeurs reprennent le flambeau.
et cela, quel qu’en soit le prix.
Merci d’avoir regardé!