Le dernier train de Kramatorsk

A quoi ressemble une guerre d’attrition dans les faits? On a en tête l’usure des troupes, les frappes sur les centrales thermiques ukrainiennes ou les raffineries russes,

mais la décision de la compagnie ferroviaire ukrainienne Ukrzaliznytsia d’interrompre les liaisons entre la capitale Kyiv et la ville de Kramatorsk rentrent totalement dans ce cadre, celui d’un conflit qui rogne un peu plus chaque jour l’Ukraine et ses ressources.

Alors parlons-en

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on marque le coup de cet arrêt des liaisons ferroviaires, et de ce que cela veut dire dans le cadre de cette guerre d’attrition.

En l’occurrence, ce sont donc les gares de Kramatorsk et Sloviansk qui ne seront plus desservies

pour des raisons de sécurité évidentes, ces derniers mois on a vu que les Russes tapent de plus en plus les infrastructures ferroviaires, ce qui n’était pas forcément le cas entre 2022 et 2024.

Le train en provenance de Kiev s’arrêtera à Husarivka, un village de l'oblast de Kharkiv à une centaine de kilomètres

et des transits par autocars seront organisés.

C’est la fin des liaisons ferroviaires ukrainiennes dans l’oblast de Donetsk. La région n’est plus liée au reste de l’Ukraine par le train, il ne reste que la route.

C’est la réduction d’une ligne qui était jadis l’artère principale de l’Ukraine, on appelle ça une magistrale,

il y avait Kyiv-Donetsk, Kyiv-Kharkiv, Kyiv-Odessa et Kyiv-Lviv.

quatre lignes principales où circulent et circulaient dans le cas de Donetsk les trains à grande vitesse coréens que les Ukrainiens avaient acquis pour l’Euro 2012 de football

trains à grande vitesse, ils ne vont qu’à 160 kms/h mais ça faisait toute la différence ici.

Cette ligne de l’est est désormais de plus en plus rognée

et cela complique affreusement la logistique ukrainienne pour approvisionner ces villes fortifiées de l’oblast de Donetsk

cela complique les transports de matériel et de troupes

cela crée des inconvénients pour tout le monde, soldats comme civils

imaginez qu’il faut désormais 2 ou 3 heures de bus, qui n’est pas beaucoup plus sécurisé que le train, pour aller prendre le train

ça complique absolument tout

je prends juste un exemple, un soldat qui revient de permission par le train, au lieu d’arriver à 20 kilomètres de sa base, frais et dispo, il doit déjà faire ce trajet en voiture sur des mauvaises routes, il va être plus fatigué.

Je ne parle même pas des civils qui évacuent…

Ca complique les retrouvailles familiales. Kramatorsk et Sloviansk sont des villes casernes, des villes qui hébergent d'importantes quantités de soldats.

La ligne ferroviaire directe vers Kyiv était une ligne de vie et d'approvisionnement, autant qu'un moyen rapide pour que des familles et des couples se retrouve.

Kramatorsk avait même été baptisée la ville de l’amour car elle permettait ces retrouvailles.

L’arrêt des liaisons ferroviaires est une catastrophe économique pour les villes de Sloviansk et Kramatorsk.

Elle marque le retrait progressif de tous les services assurés par l’Etat, et qui contribue à marquer un territoire et à le structurer au sein d’un pays.

C’est la même chose quand les écoles et les hôpitaux ferment, quand les bureaux de poste ferment, quand les services d’entretien du réseau électrique ou des canalisations ne peuvent plus fonctionner normalement,

quand les antennes téléphoniques sont touchées par des bombardements, quand les magasins ferment…

Toutes ces décisions s’accumulent pour arriver peu à peu à un territoire esseulé, qui ne vit plus normalement, vidé de ses habitants, qui n’est peuplé que de militaires, sous le coup de bombardements qui se rapprochent.

cette décision d’interrompre les liaisons ferroviaires est justifiée par des précautions de sécurité.

Mais c’est une décision qui ne fait qu’empirer les choses car elle complique la défense des villes concernées en compliquant la logistique des défenseurs.

On l’a vu un peu partout: le dernier train qui est parti de Pokrovsk, c’était en septembre 2024, et on voit où on en est maintenant, 13 mois plus tard.

alors dans quel état seront Kramatorsk et Sloviansk dans un an, on ne peut que le redouter.

C’est aussi un symbole de l’attrition de la compagnie ferroviaire, Ukrzaliznytsia

qui a subi des dégâts matériels pour plus de 82 milliards de hryvnias (environ 1,7 milliard d’euros).

Le réseau, troisième d’Europe après ceux de l’Allemagne et de la France, a été amputé de plus de 10% de ses lignes en 2022 et doit réduire régulièrement ses offres face au grignotage des forces russes.

et tout cela a des conséquences sur l’entiéreté du réseau, bien au-delà de Sloviansk et Kramatorsk.

Voilà, je voulais prendre cet exemple pour illustrer ce concept de guerre d’attrition, un épuisement progressif dont on ne voit pas les effets tout de suite mais, presque quatre ans après le lancement de l’invasion

et plus de 11 ans après le début de la guerre,

on voit cet épuisement se manifester.

L’attrition touche aussi la Russie, mais ça prend d’autres formes étant donné qu’elle est l’agresseur et que son territoire est plus ou moins intact.

Mais en l’occurrence, l’Ukraine tout entière va souffrir de cette décision de ne plus desservir Sloviansk et Kramatorsk, les dernières grandes villes de la région ukrainienne de Donetsk.

Merci

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