Une guerre sans fin?

On se moque beaucoup, et à raison, de Donald Trump, pour avoir promis de mettre fin à la guerre russe contre l’Ukraine en 24h, puis en 100 jours, puis en trois mois, et ainsi de suite,

mais aujourd’hui, force est de constater que l’Ukraine semble bien plus loin d’une éventuelle paix qu’à aucun moment des trois années et demie dernières.

Donald Trump ne le formule pas ainsi, mais même lui reconnaît qu’il a échoué,

et, éconduit par Vladimir Poutine comme une adolescente frustrée, il a clairement baissé les bras sur ce sujet.

Ce qui fait qu’aujourd’hui, tout converge vers des scénarios d’une guerre longue, d’une guerre d’attrition qui s’éternisera dans le temps.

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo que j’enregistre après une pause, je n’avais pas vraiment eu d’été à cause de différents projets et donc j’ai pris quelques jours de déconnexion de l’actualité, ça fait du bien.

et ça fait d’autant plus de bien de déconnecter alors que tout le monde est reparti au travail en septembre, je vous le recommande!

Pour cette première vidéo de ma rentrée, je me suis dit que j’allais prendre un peu de distance et dresser une liste des éléments qui correspondent à ce scénario de guerre longue.

évidemment la situation sur le front, ça je vais y revenir en dernière partie de vidéo

d’abord on peut partir du constat que la Russie n’est pas intéressée par un arrêt des combats, elle ne bouge pas d’un iota de ses ambitions maximalistes

et de l’autre côté, les Ukrainiens ont démontré à la fois leur volonté de faire des concessions sur un certain nombre de sujets, par exemple l’adhésion à l’Otan ou la perte de facto de certains territoires

de facto et pas de jure

et leur détermination à ne pas tout céder à la Russie, que ce soit dans les négociations ou sur le front.

Donald Trump de son côté a clairement illustré la vacuité de la politique de son administration, sans aucune orientation stratégique ou pensée de long-terme

il a multiplié les concessions sans conditions à Vladimir Poutine et a affaibli non seulement la position des Etats-Unis mais aussi de ce que l’on appelait encore récemment l’Occident.

Affaiblir l’Occident, ça ne veut pas dire laisser gagner la Russie parce que l’on voit que même sans les Etats-Unis, les Européens, les Canadiens, les Australiens, les Japonais et encore d’autre continuent de soutenir l’Ukraine

Mais par contre, ça veut dire prolonger la guerre, puisque les questions de soutien militaire, logistique, financier sont remises en cause régulièrement

et que le filet des sanctions internationales est beaucoup moins étanche.

On voit que Vladimir Poutine capitalise là-dessus, sur le fait que les Etats-Unis ne vont pas lui faire trop de mal,

et que la Chine et l’Inde, et encore d’autres, sont ragaillardies par l’inaction de l’administration Trump

Les Chinois se sont récemment permis d’afficher leur mépris pour les sanctions internationales comme jamais auparavant.

Les Russes, les Chinois et les autres misent aussi sur les évolutions politiques dans plusieurs pays d’Europe qui, à un moment donné, par exemple après la présidentielle de 2027 ou une nouvelle crise de coalition en Allemagne,

pourraient tout simplement abattre la détermination européenne et remettre encore une fois le soutien à l’Ukraine et la notion d’autonomie stratégique européenne.

Je termine ce constat avec une mise en garde: le fait que Donald Trump parle de sanctions à tout va ne veut absolument rien dire:

il jure ses grands dieux qu’il est prêt à imposer des sanctions très fortes contre la Russie mais il l’assortit de la condition que les Européens doivent cesser leurs importations d’hydrocarbures russes avant

L'argument est imparable: depuis 2022, les Européens ont dépensé plus pour les hydrocarbures russes que pour l'aide à l’Ukraine.

dans la bouche de Trump, il faut comprendre que c'est un piège: la question n'a pas été évoquée pendant les 8 premiers mois de sa présidence. Les sénateurs US prêts à imposer des sanctions contre la Russie n'ont pas fait de l'arrêt des achats UE une condition préalable.

C'est seulement après les sommets en Alaska et en Chine que la question est venue sur le devant de la scène, quand l'administration Trump a été placée face à l'échec de sa diplomatie et forcée à consentir à faire "quelque chose”.

A ce moment-ci, la question des achats UE d'hydrocarbures russes s'est imposée comme l'excuse parfaite pour ne rien faire. Et pour longtemps en plus, car l'interruption de contrats d'approvisionnement ne se décide pas en un jour. Elle s'étale, au mieux, sur plusieurs mois. Si les Etats européens rompent unilatéralement leurs contrats, cela se fera au prix de lourdes pénalités. Donc Trump est au chaud pendant longtemps: - à répéter que ses sanctions sont prêtes sans jamais les activer. - à stigmatiser les Européens, qui soutiennent l’Ukraine

alors que lui ne fait plus rien. - à chercher à remplacer les hydrocarbures russes par des sources US. Et dans quelques mois, quelques années, si l'UE se délivre enfin du gaz et pétrole russes, je te fiche mon billet que Trump, enrichi, trouvera une autre excuse…

Je termine là pour le constat politique et géopolitique, dont on peut appliquer les logiques au domaine militaire.

On voit qu’à la fois l’Ukraine et la Russie intensifient leurs attaques aériennes

les Russes vont bientôt pouvoir tirer un millier de drones et de missiles en une fois sur l’Ukraine

tandis que les Ukrainiens n’en finissent pas de marteler les infrastructures pétrolières russes

les Ukrainiens souffrent à cause des bombardements russes qui sont meurtriers et qui visent beaucoup de sites militaires et d’usines stratégiques

et les Russes souffrent aussi, on voit les effets des pénuries de sans-plomb 95 s’aggraver de semaine en semaine.

Mais ces attaques aériennes et ces frappes d’attrition n’ont pour l’instant fait plier ni l’un ni l’autre et il n’y a aucune raison qu’elles représentent à elles seules une arme ultime pour mettre fin à la guerre.

pareil pour les économies, à la fois l’Ukraine et la Russie montrent des signes de faiblesse mais aucune ne montre des signes d’effondrement dramatique

sur le front, même logique. Qu’est-ce qu’on a vu cet été: des succès localisés ukrainiens au nord de Soumy et autour de Pokrovsk et Dobropilliya

et des succès localisés russes au nord de Kharkiv, autour de Koupiansk et dans les zones rurales des oblast de Dniproeptrovsk et Zaporijjia.

Il faudrait faire une vidéo dédiée à ce seul sujet militaire, et elle porterait sans aucun doute sur l’échec de la saison estivale pour la Russie,

mais là j’inclus tout ça dans une vidéo plus conceptuelle sur la guerre longue, parce que, en l’état, rien ne semble être de nature à amener une paix rapide.

Alors, comment est-ce que ça se traduit dans les faits, ce scénario de guerre longue?

Il y a beaucoup d’éléments

les livraisons d’armes se structurent désormais à travers des programmes pluri-annuels, notamment au niveau européen

l’industrie de l’armement ukrainienne se projette aussi sur un conflit de long-terme en divertissant ses sources de financement, en attirant des capitaux étrangers et en s’orientant de plus en plus vers l’export.

afin d’obtenir des débouchés supplémentaires et donc des financements supplémentaires.

au niveau du financement macro de l’Etat ukrainien, on voit que le FMI vient de revoir à la hausse ses projections, en décidant de concert avec les Ukrainiens que les besoins budgétaires seront plus élevés que prévu, et sur du plus long terme

en gros on parle d’une capacité de fonds étendue pour les réserves de change qui était prévue à 15 milliards de dollars jusqu’en 2026

on parle désormais de l’étendre à 65 milliards pour 2026 et 2027

les européens, qui sont les premiers bailleurs de fonds de l’Ukraine, s’intéressent enfin à l’argent qui est disponible, c’est à dire les actifs russes gelés

On a vu ces derniers temps la Commissionn européenne, les Allemands et les Britanniques chercher des moyens d’utiliser ces fonds, quand même 220 milliards d’euros gelés en Europe.

l’idée étant que les fonds ne seraient pas saisis et utilisés directeemnt mais qu’ils serviraient comme un fonds d’emprunt pour l’Ukraine

et l’Ukraine ne repaierait les sommes empruntées que quand la Russie lui aura payé des réparations de guerre

donc un tour de passe-passe juridique pour utiliser cet argent sans se l’approprier mais qui montre que les Européens réfléchissent à des solutions qu’ils n’avaient pas envisagé ces trois dernières années.

Il y a encore un élément qui montre que l’on est dans un scénario de guerre longue: les autorités européennes travaillent officiellement à la fin de la protection temporaire des réfugiés ukrainiens dans leurs pays

que ce soit en mettant en place des programmes d’aide au retour ou des programmes d’intégration

parce qu’on comprend que la situation va durer et que ces mesures temporaires ne peuvent pas être prolongées ad vitam aeternam

Selon un récent sondage de l’institut international de sociologie de Kyiv, 65% des Ukrainiens sont prêts à une guerre longue, en attendant que l’un ou ou l’autre paramètre du conflit change.

soit la position des Etats-Unis, soit l’équilibre politique de l’Ukraine ou de la Russie,

soit un avantage technologique, soit une bascule démographique, soit une intervention directe des Européens en Ukraine, pas forcément à travers des contingents au sol mais plutôt à travers l’initiative SkyShield

Mais étant donné que toutes ces évolutions ne sont que des hypothèses à l’heure actuelle, nous voilà confrontés à ce scénario de guerre longue et de guerre d’attrition, jusqu’à ce que quelque chose change.

Nous sommes dans la 12e année de la guerre russe contre l’Ukraine, depuis 2014, et dans la quatrième année de l’invasion généralisée depuis 2022,

et visiblement, ça ne suffit pas encore à apporter une solution définitive à ce conflit, qui peu à peu, déborde des frontières de l’Ukraine.

Voilà je voulais prendre ce recul avant de vous proposer des vidéos plus thématiques, merci

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